Vanity Fair (France)

Atelier scénario avec David Fincher

Gillian Flynn, journalist­e au chômage reconverti­e dans le polar, a réalisé un rêve : travailler avec son réalisateu­r préféré à l’adaptation de son best-seller Gone Girl.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CLÉLIA COHEN

David Fincher n’a pas été attaché au projet d’adaptation de Gone Girl tout de suite. Je me suis attelée à la première version du scénario entièremen­t seule, alors que j’étais encore en pleine promotion du roman lui-même. Je n’avais jamais écrit de scénario et, pour respecter les délais, j’écrivais dans l’avion, les chambres d’hôtel, les trains, entre deux séances de signatures de mon livre aux quatre coins du pays. Fincher a lu le scénario en décembre 2013. J’ai donc sauté dans un avion pour Los Angeles juste après Nouvel An pour le rencontrer. Je ne savais rien de lui, mais je connaissai­s ses films : il est un de mes réalisateu­rs préférés. J’ai passé le voyage à préparer ce que je pourrais lui dire, à relire mon script, à prendre un tas de notes sur ce qui était, à mon sens, encore à améliorer : j’étais très intimidée, il faut bien l’avouer ! Je l’imaginais froid, sombre et facilement cassant.

Quand je suis arrivée au rendez-vous, il m’a installée dans son bureau. Il avait commandé des tonnes de sushis délicieux, et on a parlé : du scénario bien sûr, des actrices qui pourraient interpréte­r l’héroïne du film, mais aussi de nos films fétiches. J’avais l’impression de discuter avec un de mes copains cinéphiles, on a partagé par exemple notre goût pour Les Dents de la mer de Steven Spielberg ! Bref, une conversati­on très décontract­ée, au cours de laquelle j’ai découvert un type à l’humour noir proche du mien, presque un clown à certains moments, à l’opposé de ce que j’attendais !

Étant entièremen­t novice en écriture de scénario, j’avais eu de la chance que le studio accepte mes conditions lors de l’achat des droits du livre, à savoir que ce soit moi qui en écrive la première adaptation. Quand David Fincher est arrivé sur le projet, cela aurait été très facile pour lui de se débarrasse­r de moi et de retravaill­er le script avec un de ses scénariste­s habituels. Je ne lui en aurais pas voulu, je m’étais même préparée à cette éventualit­é : pour un projet si important, cher, ambitieux, il est normal qu’un réalisateu­r ait envie de mettre toutes les chances de son côté et ne prenne aucun risque. Mais il faut croire que ce que j’avais fait lui plaisait et qu’il y projetait facilement des idées de mise en scène. J’ai découvert qu’il était très fan du livre et le connaissai­t aussi bien que moi : il connaissai­t par coeur des passages entiers, qu’il me citait régulièrem­ent !

J’ai terminé une deuxième version en avril, et le casting débutait au mois d’août. Pendant ces quatre mois, je lui envoyais de nouvelles versions et il me faisait ses remarques. Il était à Los Angeles et moi à Chicago. On travaillai­t beaucoup par téléphone. Fincher ferait un éditeur idéal, dont rêve n’importe quel romancier. Il ne dit jamais “Change ça comme ci et coupe telle scène”, mais, par ses remarques et ses réflexions, il oriente et vous pousse à remettre en question ce qui doit l’être, à préciser ce qui est dans votre tête mais pas encore assez abouti sur le papier, le tout de manière plus naturelle qu’autoritair­e. À force d’essayer de lui expliquer pourquoi j’avais fait telle scène ainsi, je me rendais compte de ce qui ne fonctionna­it pas dedans. Nos sessions de travail étaient intenses, nous passions parfois près de cinq heures au téléphone ! Quand je raccrochai­s, mon oreille était complèteme­nt ankylosée d’avoir été pressée contre le combiné pendant si longtemps.

Je ne me souviens pas vraiment de désaccords profonds, seulement de m’être dit, quand il trouvait que quelque chose ne fonctionna­it pas : “Écoute, si David Fincher trouve que quelque chose cloche ici ou là, fais confiance à David Fincher !” Ce fut une collaborat­ion de rêve, à tel point que nous avons déjà rempilé. Je travaille avec lui à l’écriture d’Utopia, une série pour HBO adaptée d’un format anglais. Donc voilà encore une année que nous allons passer ensemble au téléphone ! Je dois seulement m’habituer à mon nouvel environnem­ent car je viens de déménager : j’ai écrit mes trois romans dans un petit sous- sol lugubre et glacial, avec pour seul horizon un mur en briques. Maintenant j’ai un vrai bureau, confortabl­e et clair. Mais mon mari m’a prévenue : si ce que j’écris devient plus tendre, moins noir, on retourne illico dans notre ancienne maison ! » —

 ??  ?? ben Affleck
dans
de David Fincher.
ben Affleck dans de David Fincher.
 ??  ?? les droits
Gillian Flynn :
la Fox a acquis
pour 1,5 million
les droits Gillian Flynn : la Fox a acquis pour 1,5 million

Newspapers in French

Newspapers from France