Vanity Fair (France)

Et Dorothée Parterre réinvestit le Café de Flore

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Décidément les gens de la mode ne changent pas. «

Michel Gaubert m’a dit la semaine dernière que je lui faisais penser à un phasme. – Un quoi ? – Un phasme... les insectes hyperlongs avec plein de mandibules. – Et... ? – Au début, j’étais un peu confuse, mais j’ai finalement trouvé ça hy-per drôle. Surtout de savoir que je n’ai pas passé l’été sous perfusion de jus de pastèque pour rien. Je rentre de nouveau dans du 34, ché-rie. »

Les deux femmes assises à ma droite sur la terrasse couverte du Flore sont principale­ment connues du grand public pour ne jamais décrocher un sourire sur les front rows des fashion weeks. Mais les gens ont tort. Elles sourient, à pleines dents même, surtout après un whitening. En attendant

Daniel de la Falaise, qui a évidemment 20 bonnes minutes de retard – on est aristo ou on ne l’est pas –, je laisse mes oreilles, habillées d’une monoboucle à pics – on est punk ou on ne l’est pas – flirter doucement avec les doux ronrons de la terrasse chauffée. Je croise les doigts pour que Daniel me rejoigne avec son buddy .

Haider Ackermann Dingue comme ces deux-là en jettent quand ils sont côte à côte. La bohème de style et la bohème de clan, le grand brun colombien et le petit artisto racé. Il faudrait inventer une machine à mesurer le pedigree, comme un Alcootest mais en revêtement platine. On en laisserait l’usufruit à qui ferait

Catherine Baba souffler les passants. « Oh nooooooooo­oon darling, quelle situation anormale, ton pedigree est trop tout petit pour l’admissibil­ité. Mais tu sais quoi darliiing ? Tu lis l’intégrale de SaintJohn Perse et tu reviens me voir demain, okay my darliiing ? Ce sera stu-ning tu vas a- do-rer. » Le Flore commence à se remplir. Tiens, il y a

Mathieu qui, thanks God, n’a pas cédé à la tentation de la ciAmalric, garette électroniq­ue, pire sacrilège stylistiqu­e des années 2010. Avec sa veste élimée de prof de philo des années 1980, il est égal à lui-même, donc parfait. Je lui demande du feu. « Bien entendu », répond-il en plongeant son regard d’Indien dans le mien. Brrrrrr. Il est accompagné de

Joséphine de La Baume. Ces deux-là sont amis depuis qu’ils ont joué dans un film français très français, il y a quelques mois. Joséphine aime à raconter qu’elle se sent « comme un ado de 14 ans coincé dans un corps de femme ». C’est drôle, ça me rappelle

Pierre Bénichou, croisé ici même il y a quelques jours. Il m’a fait exactement la même impression. À sa façon de regarder les filles, j’ai bien compris qu’il serait toujours un jeune homme de 40 ans coincé dans le corps d’un monsieur de 80 ans. Ce soir-là, il m’avait raconté qu’il avait pris un bain de pieds avec

Marlon que était un imposteur

Brando, Brassens mais pas . Puis, aidés par

Charles Trenet le Château d’Yquem, nous avions terminé la soirée en chantant à tue- tête, du Trenet bien sûr, moi plus faux que lui. Quand, à la fin de la nuit, j’ai gentiment retiré la main qu’il essayait de laisser traîner sur le bas de ma cuisse, il m’a faussement fusillée du regard : « Il y a deux choses qui m’ont déçu dans la vie. Toi et la NASA. »

Ça parle fort à ma gauche. C’est l’autodidact­e

Ramdane Touhami, du business à la sauce « lifestyle way of life », fondateur, avec sa délicieuse femme

de Cire Trudon et de Victoire de Taillac, Buly, le concept store de produits ultrarares donc ultrachics. Il est entouré d’une bande de presque trentenair­es néo- germanopra­tins, qui, à la différence de leurs parents, ne travaillen­t plus dans la pub ou l’édition mais dans un mélange de com, consulting, digital expertise, talent hunting et stylisme (comprendre que, en 2014, tout est stylisme). Une chose est sûre, ils se rejoindron­t tous à Miami en décembre pour l’Art Basel (noter qu’en 2014 il est plouc de mentionner Art Basel, dire Miami, Hong Kong ou Bâle). Un garçon évoque

Nicolas nouvelleme­nt directeur artistique de Vuitton. Ghesquière, « Mais dans quel monde Vuitton ? » lance Ramdane au vol.

Voici au loin la silhouette de mon frêle ami sous son chapeau. Je ne peux m’empêcher de voir sous ses traits ceux de sa tante

, même visage de petit oiseau, même lumière vive dans Loulou la pupille. Il y a quarante ans, c’est elle qui régnait sur la faune chic et bousillée de Saint-Germain- des-Prés. Les descendant­s de cette époque ont finalement préféré se retirer loin des lumières de la rive gauche. Daniel, lui, cultive des légumes dans le Sud-Ouest et fait à l’occasion quelques petits dîners privés, oh presque rien, le catering du mariage de par exemple.

Kate Moss J’envoie un baiser dans le ciel à l’attention de Loulou, j’en profite pour faire un hug à et j’envoie une petite prière dans

Sagan la foulée à His Goodness pour que l’astrologue

Susan Miller recouvre sa bonne santé. Je m’autorise à profiter encore une toute petite fois de ma nationalit­é américaine pour faire rire mon ami : « Serviteur, s’il vous plaît ! » �

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qui m’ont déçu dans la vie.

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