Vanity Fair (France)

LES RÔLES À OSCAR

-

Cette année, ils sont prêts à tout

pour décrocher la statuette.

Ne retenir du lm que sa performanc­e serait cependant injuste. La caractéris­tique de Foxcatcher est d’être un triple portrait. Ou plutôt un portrait tournant : alternativ­ement, chacun des trois personnage­s principaux s’y trouve au centre de l’attention. Et si Steve Carell est le plus spectacula­ire, les deux autres n’en sont pas moins brillants. Channing Tatum, puisque c’est à lui que Miller s’intéresse en premier, réussit la compositio­n la plus di£cile de sa jeune carrière. Parfois moqué pour son physique de chanteur de boys band et son CV à l’avenant, Tatum mérite pourtant mieux que ça. S’il est si poignant dans la peau de Mark Schultz, du premier au tout dernier plan, c’est qu’il symbolise mieux que personne la force brute de l’Amérique, cette espèce de déterminat­ion qui s’incarne dans le cinéma américain, de James Cagney à Sylvester Stallone, de Marlon Brando à Mickey Rourke. À plusieurs reprises dans le lm, il se regarde dans le miroir et se frappe le visage. Il se frappe de ne pas voir le champion respecté qu’il devrait être. Il se blesse jusqu’au sang. Cela vaut pour le personnage. Cela vaut aussi pour l’acteur.

Enfin, troisième protagonis­te de cette valse : Dave Schultz, interprété par Mark Ru alo. Lui n’a rien de monstrueux, il n’est qu’humain, trop humain. Moins ¦amboyant que Carell, moins puissant que Tatum, il compose avec son habituelle élégance un personnage qui semble entrer dans chaque pièce sur la pointe des pieds. Il ne cherche pas à s’imposer, à brutaliser le réel, à le reformater selon ses désirs, il le caresse plutôt. On le voit dès sa première scène, lorsqu’il s’entraîne avec son frère et que leur lutte a plutôt l’air d’une étreinte. Mark vit dans son ombre, or il n’y a pas moins ombrageux. En cela, il n’est pas un personnage – ni un acteur – typiquemen­t « millerien ». Présent seulement en pointillé durant la première moitié du lm, il s’impose ensuite doucement, sans coup de force, par la simple grâce de ses regards attendris et de sa voix généreuse. Et l’on comprend alors qu’il est en fait, depuis le début, le pivot. Comme un aimant qui tient les deux pôles opposés que sont Mark Schultz et John du Pont. Une fois qu’il est désintégré, le lm doit logiquemen­t s’arrêter.

Foxcatcher est ce drôle de ballet de corps qui s’attirent et se repoussent, comme autant de particules régies par les lois étranges de la physique quantique. Chacun connaîtra un temps l’exaltation des pionniers qui tracent une nouvelle route. Chacun y laissera des plumes. Éternelle histoire de l’Amérique. ¨

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France