Vanity Fair (France)

Gilles Bernheim était une autorité écoutée et respectée au-delà de sa communauté. Jusqu’au jour où des lecteurs avertis ont découvert qu’il n’était ni agrégé de philosophi­e ni l’auteur de tous ses écrits. Plus d’un an après le scandale, il s’explique pou

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e septembre 2012 à avril 2013, Yaël Hirschhorn a été la conseillèr­e en communicat­ion du grand rabbin de France, Gilles Bernheim. C’était son premier emploi après des études à Sciences Po Strasbourg et un master en affaires publiques à la Sorbonne. Elle l’aidait à organiser ses visites dans les ministères ou à l’Élysée, préparait des notes sur les sujets d’actualité comme la question du mariage homosexuel, répondait aux demandes des journalist­es. Issue d’une famille traditiona­liste de Mulhouse, cette jeune femme de 25 ans ne cachait pas une certaine fascinatio­n envers ce religieux alsacien qui prônait un judaïsme orthodoxe mais ouvert sur le monde. Ses deux grands-pères auraient été fiers d’elle : l’un avait combattu dans la Résistance, l’autre dans les rangs de l’armée française – « sous un faux nom », précise-t- elle. Auprès du grand rabbin, l’une de ses tâches quotidienn­es consistait à surveiller les critiques et les propos haineux portés à son encontre sur Internet – les dirigeants de la communauté juive sont souvent la cible d’attaques ad hominem. Pour cela, elle avait recours à un système de veille automatisé : une alerte surgissait sur son ordinateur chaque fois que le nom de Gilles Bernheim était cité sur les réseaux sociaux. C’est ainsi qu’un jour de mars 2013, elle a découvert que son grand homme était présenté comme un imposteur.

Ce soir-là, sur Twitter, une volée de messages qualifient le grand rabbin de « pseudo- écrivain ». Ils se fondent sur un texte mis en ligne par le site Web Strass de la philosophi­e, où se retrouvent les héritiers de Gilles Deleuze. Elle clique. Lit, relit. « Là, je me suis dit : “C’est quoi ce truc ?” » se souvient- elle. Un billet intitulé « Gilles Bernheim ou Jean-François Lyotard ? » souligne les similitude­s entre les Quarante Méditation­s juives, publiées par le premier en 2011, et un entretien avec le second recueilli en 1991. Le mot « plagiat » n’est pas utilisé mais les extraits sont troublants. Quand Lyotard note, au sujet

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