Vanity Fair (France)

Des Diamants dans les poches

Près de quarante ans après la mort de Harry Winston, son nom brille toujours au panthéon des joailliers.

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La vie de Harry Winston fut pavée de pierres précieuses et sur une pierre, on a construit sa légende. On raconte qu’à 12 ans, il se promène dans les rues de Los Angeles quand son oeil repère, au milieu de bijoux de pacotille, une bague un peu ternie dans la vitrine d’un prêteur sur gage. Il l’acquiert pour 25 cents. Deux jours après, il la revendra 800 dollars. C’était une émeraude ; il l’avait vu tout de suite. Il faut dire que Harrry Winston, né le 1er mars 1896, est le fils d’un bijoutier, un immigré juif ukrainien. Il quitte d’ailleurs l’école à 15 ans, pour aider son père avant de partir tenter sa chance à New York.

En 1920, il monte une petite affaire, la Premier Diamond Company. Comme il n’a pas beaucoup d’argent, il achète dans les ventes aux enchères, diadèmes, broches et colliers (même des colliers de chien), le tout surchargé, encombré, bref : démodé. Mais les pierres sont belles. Harry Winston les extrait de leur monture, décuple leur éclat en les retaillant et les remonte dans un style contempora­in.

Signe que les affaires marchent, les banques acceptent bientôt de lui avancer des fonds. Cela lui permet d’accéder enfin aux pièces prestigieu­ses qu’il convoite. En 1926, il acquiert la collection d’ , veuve d’un

Arabella Huntington magnat des chemins de fer américains et célèbre pour le faste de ses bijoux. Cette fois, la carrière du joaillier décolle vraiment. En juin 1932, il s’installe sous son nom : Harry Winston, Inc.

Celui que les chroniqueu­rs mondains ne vont pas tarder à surnommer le « joaillier des stars » est un homme discret. a beau susurrer

Marilyn Monroe langoureus­ement son nom en chantant Diamond’s are a Girl’s Best Friend dans Les hommes préfèrent les blondes, aucun ragot ne circule sur son compte. Et très peu d’images : en effet, la Lloyd’s, sa compagnie d’assurances, lui interdit de se laisser photograph­ier autrement qu’en silhouette et de préférence de dos. Mais, au fond, cet incognito l’arrange, lui qui transporte ses cailloux lui-même (il n’aime rien tant que sentir sous sa main un gros diamant au fond de sa poche), quand il ne les expédie pas par la poste. En 1935, lorsqu’il achète le célèbre Jonker en Afrique de Sud, un problème se pose : comment faire parvenir à New York ce diamant brut de 726 carats ? Il n’hésite pas longtemps : il l’envoie par courrier (en recommandé tout de même : 64 cents). « Si ce n’est pas au US Post Office, à qui peut- on faire confiance ? » remarque- t-il tranquille­ment.

Pendant les années 1940, Winston invente l’art du clustering. Cette façon d’assembler les diamants, en juxtaposan­t des pierres taillées de façon différente, caractéris­era sa joaillerie. Les tailles émeraude voisinent avec les marquises, les poires

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