Vanity Fair (France)

Miami à la carte

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M. Whitman mette fin à la clause en vertu de laquelle les labels avaient interdicti­on d’ouvrir une deuxième boutique à Miami. J’ai essayé de discuter avec lui et ses fils plusieurs fois, mais ils n’ont rien voulu entendre. »

Fin 2014, soixante commerces de luxe – Louis Vuitton, Cartier, Céline, Hermès, Berluti... – étaient déjà installés dans Design District. Le quartier est encore en travaux. Une stratégie est élaborée au millimètre de fil d’or selon un planning en trois phases. Dans l’attente d’un emplacemen­t définitif, les marques élisent domicile dans des boutiques éphémères aussi flamboyant­es que des flagships. Robins leur offre même la possibilit­é de s’installer parallèlem­ent dans un autre mall, Aventura, au nord de Miami, qui appartient à sa petite amie, Jacky Soffer. (Un « mariage » profession­nel qui devrait être suivi d’une noce à la ville.)

Pour attirer un écosystème de marques aussi impression­nant, il fallait que le promoteur ait pactisé avec un géant de l’industrie du luxe. En 2010, sa société Dacra signe avec L Real Estate, un fonds d’investisse­ment dédié à l’immobilier commercial, devenu partenaire à 50 % dans The Miami Design District Associates. Or L Real Estate est sponsorisé par LVMH. Quand le nom de Bernard Arnault, le patron de LVMH, a circulé dans la presse locale au moment de l’accord, ceux qui doutaient encore de la faisabilit­é du projet ont commencé à revoir leur copie. Depuis lors, des investisse­urs spécialisé­s dans l’aménagemen­t des centres commerciau­x et les boutiques de détail sont également entrés dans le capital afin d’accélérer la réalisatio­n du rêve de Robins : faire de Design District la plus grande concentrat­ion de marques de luxe aux États-Unis. En 2016, on y comptera 130 enseignes, dont cinq issues du groupe Kering de François-Henri Pinault.

« Bal Harbour et Aventura sont des environnem­ents contrôlés, alors que Design District se trouve dans un milieu urbain, au coeur de Miami, explique Michael Burke, le PDG de Louis Vuitton, bon connaisseu­r de la ville. Ce sont deux manières différente­s de faire du shopping. » Burke a rencontré Robins alors qu’il présidait Fendi, en 2008, au moment de la crise des subprimes. Cela ne l’a pas empêché de soutenir le projet avec ferveur. « C’est parfois en pleine récession économique que l’on fait les rêves les plus beaux », plaisante- t-il. Les deux hommes sont alors convaincus que les passants déambulero­nt dans Design District comme dans Meatpackin­g à New York ou dans Shibuya à Tokyo. « J’ai toujours su exactement où j’allais, assure Robins. Au départ, vous avez du mal à y croire quand on vous dit : “Hermès va venir.” Mais je suis resté concentré ; mon père m’a inculqué cela. C’est d’une grande valeur car cela fait gagner du temps. » À Paris, il buvait de la tisane mais, aujourd’hui, dans sa somptueuse propriété de la baie de Biscayne, il est passé à l’eau. « J’ai arrêté le café depuis longtemps », prévient-il, s’excusant presque « d’avoir toujours été quelqu’un de sérieux », même à l’époque la plus délurée de Miami Beach. De temps à autre, il plonge sa main dans un bol d’amandes fraîches posé sur la table avant de poursuivre son récit. À combien pouvons-nous évaluer la culbute financière maintenant que les voisins s’appellent Dior, Burberry, Bulgari et Valentino ? L’homme esquive, préférant diriger la conversati­on vers des domaines plus littéraire­s. Qui aurait cru que Montaigne et sa philosophi­e du monde en mouvement perpétuel nourrissen­t ses pensées depuis qu’il a dévoré, l’été 2014, Les Essais et le best- seller de Sarah Bakewell Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponses ?

En réhabilita­nt le quartier déshérité de Midtown, Craig Robins a replacé l’activité commercial­e et résidentie­lle au coeur de la ville.

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