Vanity Fair (France)

LE CHEF DU PROTOCOLE N’ÉTAIT PAS PRÉSENT DANS LE CONVOI D’HARIRI. IL EXPLIQUA QU’IL PASSAIT CE JOUR-LÀ UN EXAMEN IMPRÉVU

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Parmi les errements qui flétrissen­t la réputation du Tribunal spécial, l’histoire du général Wissam el-Hassan occupe une place de choix. Chargé de la sécurité de Rafiq Hariri même après la démission du premier ministre, il supervisai­t tous ses déplacemen­ts avec le titre de « chef du protocole ». Pourtant, le 14 février 2005, contrairem­ent aux habitudes, il n’était pas présent dans le convoi qui devait rallier le Parlement. Questionné après l’explosion sur cette anomalie, il expliqua qu’il passait ce jour-là un examen imprévu à l’université, en vertu d’une convocatio­n qu’il prétendait avoir reçue la veille, c’est-à- dire un dimanche.

À L’UNIVERSITÉ.

Longtemps après, les discordanc­es entre son récit, son emploi du temps et les relevés de ses communicat­ions téléphoniq­ues ont mis en évidence la fausseté de sa déposition. Par la suite, certains témoignage­s ont mentionné un versement de 500 000 dollars au profit d’un des subordonné­s du général el-Hassan, peutêtre afin d’influer sur l’itinéraire du cortège d’Hariri. Ce point non plus n’a pas été creusé. Un an plus tard, l’ex- « chef du protocole » accédait à la direction du service de renseignem­ent des FSI – l’unité où servait Wissam Eid, qui achevait alors son rapport sur les réseaux téléphoniq­ues impliqués dans la préparatio­n de l’attentat. D’anciens collègues du capitaine Eid m’ont assuré que les deux officiers se parlaient régulièrem­ent. Cependant, les enquêteurs de l’ONU ont attendu des années avant de s’intéresser aux contradict­ions du général et aux zones d’ombre de son récit. Pour lui aussi, c’était déjà trop tard. Le 19 octobre 2012, alors qu’il rentrait d’un déplacemen­t à Paris et avait prié un proche de venir le chercher à l’aéroport, il fut tué à son tour par une voiture piégée. Comme si, à Beyrouth, une fatalité pyrotechni­que consumait encore tout désir de justice et de vérité.

Dans les centaines de pages de l’acte d’accusation du Tribunal spécial pour le Liban, l’assassinat de Rafiq Hariri est attribué à des individus, non à une organisati­on. Le Hezbollah n’est pas mis en cause en tant que tel, même si nombre d’indices convergent dans sa direction. Pas une fois le régime syrien n’est présenté comme le commandita­ire, pas même au conditionn­el. Dix ans après l’attentat et malgré les millions de dollars engloutis dans l’enquête, les découverte­s les plus probantes restent celles du capitaine Wissam Eid, qui travaillai­t seul et sans ordres dans son petit bureau blanc, et qui a payé de sa vie son intuition et sa persévéran­ce. �

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Beyrouth, le 14 février 2005, après l’attentat qui a ébranlé la ville et fait 23 morts, dont l’ex- premier ministre libanais, Rafiq Hariri, et 226 blessés.

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