Parker Posey
Indé tendance
Au téléphone, Parker Posey éclate de rire sans rai-
son apparente, s’excuse sans transition d’avoir
manqué mon premier appel, puis s’arrête au
milieu d’une phrase pour décréter avec autorité
qu’on est « terriblement chanceux de vivre à Paris ».
À l’autre bout du fil, je me retrouve immédiatement
dans les chaussures de Joaquin Phoenix, objet de
désir mi-fasciné mi-impuissant face à la tornade Par-
ker Posey dans L’Homme irrationnel de Woody Allen.
Comment le réalisateur, pourtant amateur d’insoumises
fantasques (de l’affranchie Annie Hall à l’insaisissable
Mia Farrow dans Broadway Danny Rose), a-t-il pu at-
tendre dix ans avant de collaborer avec l’actrice ? La
beauté dangereusement exubérante aperçue dans
Dazed and Confused (Richard Linklater, 1993), dans
Doom Generation
(Gregg Araki, 1995), dans
Party
Girl (Daisy von Scherler Mayer, 1995) et dans à peu
près tout ce que le cinéma indépendant américain a
compté de comédies générationnelles dans les années
1990, c’était elle. Au casting d’une trentaine de films
entre 1993 et 2000, l’actrice est alors baptisée « queen
of the indies » par le magazine Time. Le titre, si élogieux
soit-il, s’avère fâcheux. « Les gens s’attendaient à ce
que je sois flattée mais ça m’a fermé toutes les portes
du cinéma traditionnel pour la décennie suivante », ra-
conte-t-elle. Martyre d’un cinéma expérimental balayé
par ce qu’elle appelle le « cinéma de producteurs »
(comprendre : les blockbusters et les films à oscars) Par-
ker Posey entame une douloureuse traversée du désert
qui s’achèvera… dans le sud de la Pologne où elle re-
joint le jury du festival du film indépendant de Cracovie
en 2014 : « J’étais déjà déprimée en arrivant, autant
dire que la sélection n’a rien arrangé à mon état. Mais
c’est là que j’ai rencontré Juliet Taylor, la directrice de
casting de Woody Allen. » Après une courte entrevue
avec le réalisateur, la « reine des indés » devient Rita
Richards, la prof d’université coincée dans un mariage
névrosant de
le bouillonnement artistique new-yorkais qu’au milieu
des mondanités hollywoodiennes, Parker Posey est
comme un poisson dans l’eau chez Woody Allen, en
qui elle voit « un esprit libre, un homme adorable et le
dernier réalisateur capable d’imposer sa vision aux
studios ». La passion est réciproque : l’actrice sera de
retour, aux côtés de Kristen Stewart et de Jesse Eisen-
berg, dans son prochain film dont le tournage vient de
démarrer. —
L’Homme irrationnel.
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