Les PARIsIens sont-ILs tous des fILs de P... ?
Paris est plein de Parisiens ! Chaque mois, Pierre Léonforte explore la Ville Lumière et dévoile un nouveau spécimen de cet écosystème qui fait rêver le monde entier.
P... pour people, évidemment. Quoi qu’on frôle parfois le concept originel putatif. Le phénomène n’est pas neuf. Voire. Il remonte aux Guitry, aux Brasseur, aux Sardou, aux Chedid. Du lourd, du dynastique pur XXe siècle. Le fils de p... est passé du stade « choisi des dieux, forcément » à « fils de... par défaut ». Ni vocation ni métier, seulement un statut médiatique que le public doit accepter au nom d’un héritage plus ou moins légitime, la pseudo- célébrité 2.0 ajoutant une couche instagrammée à mort. Pauvres petits enfants riches – ou supposés tels –, obligés de faire comme papa-maman. Lesquels se défendent bien sûr d’y être pour quelque chose. Sauf qu’on ne connaît aucun acteur, chanteur, comique ou autre saltimbanque plus ou moins bankable ayant inscrit sa progéniture à l’Éna ou à Sciences Po. Tu seras un homme, mon fils, grâce à moi, mais faut que tu fasses gober au public que ce fut un chemin de croix. Paris regorge de fils de p... qui pleurnichent sur leur sort avec des arguments qui n’émeuvent personne : « Non, mes parents y m’ont pas aidé. Y z’étaient même contre. J’ai pris un pseudo pour ne pas leur coller la honte. J’ai débuté plus bas que terre pour pas faire privilégié. Non, on m’a pas engagé pour leur complaire. J’ai tout fait en cachette pour mieux les surpriser... »
Le pipole junior qui parle très bien français adore pipeauter, et son fatras d’excuses fait sourire mais pas pleurer. Le sort du fils de p... parisien est un emploi postmoderne à plein- temps. Avec grosse hiérarchie à la clé : au sommet trône le fils de p... modaïolisé par môman star, habitué des défilés et des photos depuis l’âge de 3 ans. Élevé dans le sérail et muse à 7 ans. Quand il arrive à l’âge adulte, on a l’impression de l’avoir vu depuis un siècle. Juste en dessous évolue le fils de p.... de vrai comédien de souche portant fièrement son nom en bandoulière. Le hic est que ni le talent ni le charisme ne sont héréditaires. Il lui faudra dix ans pour acquérir une crédibilité à moins de décrocher un contrat d’égérie chez un maroquinier ou de tenter de chanter (mal) sur un disque adulé par la critique qui pétoche à l’idée de faire de la peine aux parents. Vient ensuite le fils de p... rebelle (mais bien coiffé) qui prend un pseudo codifié pour exister en faisant tout pour qu’on sache qui sont ses parents : très prisé chez les chanteurs rock attitude propre sur soi. Un cran en dessous, le fils de p... designer, fâché à mort avec son ascendance célèbre, qui dit traîner son nom comme un boulet et crise dès qu’un journaliste demande des nouvelles de ses parents. En bas de l’échelle, le fils de p... auteur d’une bio dézinguant ses chers vieux avec la rage d’un renard ayant échappé à Pasteur. Çuila est le pire de tous, du genre à finir dans un reality show du style L’Île maudite des célébrités presque mortes. Et de perdre en deuxième semaine. Tocard avec ça !
Parisien par obligation, le fils de p... refuse de quitter la ville sinon pour filer à New York, « où que personne ne sait qui c’est », pour apprendre, dans le plus bel anonymat, le stand-up, les claquettes et le gospel. Son retour sera salué comme un événement et un bienfait pour les arts vivants hexagonaux, aura d’artiste complet en prime.
Érigé en système systématique tournant en rond et à vide, le fils de p...isme est devenu un sport parisien irritant, parfois navrant, souvent pitoyable, vécu par les autres comme une claque à la méritocratie. Perçus, à quelques exceptions près, comme autant de branleurs profitant d’une rente de situation à vie, les fils de p... sont de vrais Gremlins : à la première pluie, il en sort dix nouveaux. Les gens célèbres sont certes des parents comme les autres – ils se sont reproduits –, mais à ce jour, on n’en recense aucun dont l’estimable descendance ait choisi d’être chauffagiste ou crémière sur les marchés. Ou alors pour se préparer à un rôle. À l’en croire, le fils de p... part du pied gauche dans l’existence, handicapé par la célébrité de ses parents, si lourde à porter. Maintenant que la société est totalement warholisée et que tout le monde est célèbre pour des raisons (a)variées, le fils de p... parisien a vraiment du souci à se faire. Son avenir sera plus encombré qu’un terrain de foot marseillais un soir d’émeute et la concurrence, implacable. Et si, de fils de p...eople, on repassait à fils de p...ersonne ? C’est bien ce qu’a fait Ulysse face à Polyphème, non ? Les fils de P... arisiens hellénistes et épargnés par la pipolerie apprécieront. �
AVANTI PEOPOLO !