Vanity Fair (France)

« FRANÇOIS HOLLANDE A TOUT DE SUITE DIT OUI »

L’artiste Laurent Grasso a pu filmer le bureau du président de la République. Il raconte les coulisses du tournage.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXIS JAKUBOWICZ

En 2015, les Archives nationales m’ont invité à créer une oeuvre qui devait être présentée dans “Le secret de l’État. Surveiller, protéger, informer.” Le sujet de cette exposition, à laquelle je n’ai malheureus­ement pas pu participer, était tout à fait en phase avec mes oeuvres On Air (2009), The Silent Movie (2010) et Uraniborg (2012). Tous ces films examinent, à travers des points de vue inédits, les formes et l’esthétique de l’autorité religieuse, politique, idéologiqu­e ou militaire. The Constructi­on of History, un film tourné en 2012 depuis le cortège diplomatiq­ue des funéraille­s de Jean-Paul II, révèle par exemple comment l’architectu­re et le mobilier du Vatican ont façonné ses rites et son pouvoir. L’invitation des Archives nationales m’a donné envie d’aller plus loin encore et de réaliser un projet qui dormait dans mes tiroirs : un portrait méthodique du bureau du président de la République, où s’écrivent et se conservent les mythes de la nation. En y repensant, je suis surpris de la facilité avec laquelle le projet a pu se faire. Je suis entré en relation avec le palais de l’Élysée par le biais des Archives nationales. Nous avons contacté PierreLoui­s Basse et Gaspard Gantzer, les conseiller­s du Président. Le synopsis est passé de bureau en bureau jusqu’à ce qu’une note arrive entre les mains de François Hollande. J’ai pu faire des repérages rapidement en l’absence du Président, que j’ai finalement rencontré le 22 juillet. Il m’a reçu dans le Salon doré, à l’endroit même où il reçoit ses homologues. L’histoire et l’actualité se partagent les murs de ce bureau où l’on empile les journaux du jour sur du mobilier Régence. Le Président a tout de suite validé le principe et j’ai pu assembler mon équipe. Pour inscrire Élysée dans la logique du cinéma, j’ai fait appel à des personnes identifiée­s sur le circuit. L’assistante-réalisatri­ce du film est Elsa Amiel, qui travaille notamment avec Mathieu Amalric et Bruno Bonello ; le chef- opérateur est Jean-Louis Vialard, qui a collaboré avec Apichatpon­g Weerasetha­kul ; et Marine Monthieu, notre monteuse, travaille en ce moment avec Alejandro Jodorowsky. Malgré les attentats du 13 novembre, une date de tournage a pu être fixée au 25 janvier suivant. Il nous a fallu toute une journée pour faire inspecter le matériel par les services de déminage, installer la grue et les rails qui serviraien­t à obtenir des mouvements de caméra très lents et très précis. Il n’y a pas d’acteurs, hormis un garde républicai­n et un huissier. C’est bien la caméra le personnage principal, qui scrute l’horizon de chaque objet : un téléphone sécurisé avec les noms des chefs d’état-major, la patine du sous-main en cuir rouge... On n’a touché à rien bien sûr, mais sur un lieu de tournage comme celui- ci, on ne nous montre que ce qu’on veut bien nous laisser voir. À aucun moment néanmoins nous n’avons été contraints. Je crois que c’était important pour tout le monde que ce projet se fasse, surtout dans une période de trouble. » —

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Le bureau de François Hollande à l’Élysée. Le coeur du réacteur de la V République. Laurent Grasso.

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