Vanity Fair (France)

Un résident à l’année

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de Napoléon III, l’homme qui a créé cette voie. » Selon lui, les Arabes n’ont pas oublié que, juste après le coup d’État du 2 décembre 1851, le dernier monarque français a libéré l’émir Abd el-Kader, figure de la résistance à la colonisati­on de l’Algérie par la France, et l’a traité en égal.

Derrière le mythe Foch, il y a donc la gloire du second Empire. Seule voie parisienne inscrite aux Monuments historique­s, grâce à ses allées cavalières toujours entretenue­s – même si elles n’ont pas vu un sabot depuis des lustres –, l’avenue est le reflet le plus fidèle de l’ambition urbaine de Napoléon III. L'empereur la fit baptiser du prénom de son d’épouse, Eugénie, avant qu’elle ne devienne l’avenue du Bois- de-Boulogne après la chute du régime, puis l’avenue Foch à la mort du héros de la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui encore, aucun commerce n’y est toléré en vertu d’un décret du souverain, toujours en vigueur. C’est aussi ici, chez le dentiste américain Thomas W. Evans installé à l’angle de l’avenue Malakoff, que se réfugiera l’impératric­e Eugénie en fuite pour Londres en 1870. Fin du chapitre impérial. À la fin du xixe siècle, certains membres de la haute société se décident à quitter le vieux Paris et font bâtir dans ce no man’s land quelques-uns des plus beaux hôtels particulie­rs de la capitale. À l’image du prince de Guermantes, personnage proustien délaissant le Faubourg (Saint-Germain) pour y emménager avec sa nouvelle et richissime épouse Sidonie Verdurin, des membres du gotha comme le marquis de Breteuil, ami personnel du roi d’Angleterre Edouard VII, ou le baron Étienne van Zuylen, fondateur du très chic Automobile Club de France, élisent alors domicile sur l’avenue deux fois large comme les Champs-Élysées. La richissime famille Ephrussi de Rothschild s’installe dans un hôtel particulie­r au numéro 19 : dernier en date à avoir conservé son jardin, il accueille depuis 1979 l’ambassade d’Angola. Le prolifique dramaturge Adolphe d’Ennery – fondateur de la station de bains de mer de Cabourg – choisit aussi l’avenue du Bois pour installer l’exceptionn­elle collection d’art asiatique de son épouse : rouvert en 2012, le Musée Ennery reste l’un des témoins exceptionn­els de l’orientalis­me en vogue au xixe siècle.

Mais rien ne rivalise avec la constructi­on du fameux Palais Rose, commencée en 1896 sous le premier coup de pioche d’Anna Gould, 21 ans, fille du fondateur de la compagnie de chemins de fer américaine Union Pacific, qui vient d’épouser le dandy Boniface de Castellane. L’architecte s’appelle Ernest Sanson. C’est la star de ce style néoclassiq­ue qu’apprécient autant les vieilles familles – les Broglie, Vogüé, Greffulhe et d’Arenberg comptent parmi ses clients – que les nouvelles fortunes soucieuses de se fondre dans le moule aristo. Pour les jeunes mariés, il va copier rien de moins que la façade du Grand Trianon de Versailles ainsi que l’escalier des Ambassadeu­rs. Les propriétai­res déroulent des toiles signées Rembrandt, Van Dyck et Gainsborou­gh pour décorer les dizaines de pièces et donnent des bals pour quatre mille convives. Les fêtes seront jugées si dispendieu­ses par la belle- famille de « Boni » qu’un divorce sera décidé en 1906 afin de sauver la fortune de l’héritière. L’avenue vit sans doute le sommet de sa gloire. Les artistes Claude Debussy, Georges Feydeau et Octave Mirbeau s’y installent. Comble de la reconnaiss­ance, la petite gare de chemins de fer – de nos jours banale station du RER – située à l’extrémité ouest de l’artère sert même de pavillon officiel d’accueil pour les visites de chefs d’État. L’avenue Foch est alors la vitrine de la France. Avec ses drames bien cachés , comme la balle que se tire dans la poitrine le Prince

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