Vanity Fair (France)

Paul-Marie Coûteaux

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Daniel Philippot n’oubliera jamais ce trajet en voiture entre la gare de Lille et Bondues en septembre 2011 : « Je démarre et Florian me dit : “Tiens, je vais quitter l’IGA.” Il faisait durer le suspense et puis il lâche : “Je vais me mettre en disponibil­ité pour travailler avec Marine Le Pen.” Je lui ai répondu : “Tu blagues ?” » Dans la famille, ça tangue. La grand-mère paternelle, fille d’immigrés polonais, se lamente : « Florian, avec ses études brillantes, il avait une carrière en or ! » Mais l’énarque les rassure : il a négocié un gros poste et bientôt une place d’élu. Il aura un bon salaire (près de 10 000 euros par mois en tant que vice-président sans compter ses futurs émoluments de député européen), une voiture avec chauffeur, toujours pas besoin de passer le permis. Cet automne 2011, il soigne son entrée en scène. Un haut fonctionna­ire du Trésor, ce qu’il aurait aimé être, c’est ainsi qu’il se présente pour faire monter « le buzz ». Philippe Cohen, mis dans le secret, écrit un premier portrait de lui dans Marianne en l’appelant Bernard. « Sympa le prénom, tu me donnes vingt- cinq ans de plus d’un

(ex-mentor de Florian Philippot et ancien député européen)

malaise. Dans la bande de l’ENA aussi, certains ne s’en remettent pas. À leurs yeux, la dédiabolis­ation est un leurre ; l’ami du FN est infréquent­able. On ne lui parle plus. Quelques-uns, comme le prince de Bohême ou son complice des débats d’HEC, Jean-Philippe, n’ont pas complèteme­nt rompu les liens, par fidélité, par curiosité pour la bête politique. Antoine aussi le suit de loin en loin, bluffé par son ascension malgré leurs grandes divergence­s. « Florian est rentré dans le cerveau de Marine Le Pen, souffle- t-il. Rien désormais ne peut l’arrêter, sauf Marion Maréchal, sa hantise absolue. » Philippot poursuit sa route. Aujourd’hui encore, il lui arrive d’aller rôder la nuit, incognito, sur les traces de sa jeunesse, dans la cour de Louis-le-Grand, au coeur du campus d’HEC. Il aime déjouer la sécurité, humer les odeurs d’autrefois, se perdre dans ces lieux d’insoucianc­e et croiser quelques étudiants ahuris de le trouver là, lui, le mouton noir. Un jour, espère- t-il, on l’accueiller­a par la grande porte. Le collègue Le Gallou l’avait pourtant prévenu : « Le FN, c’est un chemin sans retour, tu seras carbonisé. » �

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