Vanity Fair (France)

Les golden girls TRUMP de

L’une est la fille préférée du nouveau président américain, qui la considère comme la vraie Première Dame ; l’autre, pur produit de la jeunesse dorée californie­nne, est l’oubliée du clan Trump. SARAH ELLISON dénoue les liens entre Ivanka et Tiffany, hérit

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Le murmure s’est transformé en rumeur : « Vous devriez vous intéresser à Jared ; il est complèteme­nt dépassé par la campagne. » De nombreux journalist­es politiques en témoignent, le pitch n’a pas varié : intéressez-vous à Jared ; il fait n’importe quoi ! Corey Lewandowsk­i, le directeur de campagne plutôt cassant de Donald Trump, a essayé par tous les moyens de convaincre la presse de publier un portrait à charge du gendre de son candidat. Certes, toutes les campagnes politiques ont leur lot de querelles internes mais celles du camp républicai­n ont été encore plus violentes et visibles que les autres. Mais cette fois, Lewandowsk­i a mal choisi sa cible : Jared Kushner a vu son influence croître de jour en jour, jusqu’à tenir un rôle non négligeabl­e dans la campagne. Il est en plus marié à l’enfant préféré de Trump, sa fille Ivanka. Le 9 janvier, le futur président des États-Unis a d’ailleurs nommé Jared Kushner haut conseiller.

Quelques semaines après avoir eu vent de la manoeuvre du directeur de campagne, Ivanka a parlé avec son père en privé : Lewandowsk­i, lui a- t- elle expliqué, n’était pas à la hauteur de la tâche et ne s’en rendait pas compte. La convention républicai­ne et l’élection se rapprochai­ent, il fallait quelqu’un de plus profession­nel et plus sérieux. Le matin du 20 juin, après la réunion de famille programmée chaque lundi à 9 h 30, un agent de sécurité a donc escorté le directeur de campagne jusqu’à la porte de sortie de la Trump Tower. Ivanka n’a pas prévenu personnell­ement Lewandowsk­i, mais elle a « refermé le cercueil sur lui », m’a affirmé un ex-membre de l’équipe. (Lewandowsk­i m’a répondu par e-mail : « Je n’ai jamais discuté du rôle de Jared Kushner dans la campagne. » Il s’est réconcilié avec Trump depuis l’incident.)

L’épisode en dit long sur l’influence d’Ivanka. Comme son père, elle a les facultés d’adaptation d’un caméléon et a su devenir un personnage public. « Ivanka est une véritable marque, une personnali­té ; elle fait preuve de beaucoup de constance sur Instagram », m’a confié une proche. Elle ne tolère pas le moindre signe de désobéissa­nce dans les rangs, en particulie­r à l’égard de la famille. À propos de son rôle dans l’éviction de Lewandowsk­i, elle a eu cette phrase glaçante : « Nous ne voulons pas fréquenter de gens en qui nous ne pouvons pas avoir totalement confiance. Nous sommes une famille. La confiance est fondamenta­le. »

Ivanka est la plus connue des Trump, après son père. À tel point que son frère Eric, qui dirige sa propre fondation, a mis aux enchères un café avec elle, une expérience dont il a estimé

la valeur à 50 000 dollars (45 000 euros) [la vente a finalement été annulée]. Elle a dit à ses amis que l’élection de son père était « tellement plus importante » que la famille. Elle n’a pas non plus caché son désir de s’impliquer sur les sujets qui lui tenaient le plus à coeur, comme l’instaurati­on d’un congé maternité payé. Qu’importe si cette idée ne fait pas partie du programme des républicai­ns. « C’est à moi de l’y inscrire », a- t- elle affirmé.

Très présente dans la campagne de son père, Ivanka a été rejointe par sa demi- soeur Tiffany, qui rêve d’exercer autant d’influence que son aînée sur la famille. Tout juste diplômée de l’université de Pennsylvan­ie, la plus jeune des filles Trump « a sauté à pieds joints dans l’aventure », précise une de ses amies. Elle reçoit d’Ivanka « des conseils sur la politique, sur les garçons et, comme le font les soeurs, sur ses tenues – “cette couleur passe bien à l’écran” ou, quand elle porte une robe, “assure- toi, quand tu t’assieds, de bien croiser tes jambes” », ajoute l’amie. Son aînée la fait profiter de toutes les leçons qu’elle a apprises de la célébrité. D’ailleurs, « Tiff » ( pour les intimes) a récemment entraîné son officier de sécurité dans un grand magasin pour acheter un rouge à lèvres recommandé par Ivanka.

Tiffany n’apparaît qu’une fois dans le livre d’Ivanka (The Trump Card: Playing to Win in Work and Life, non traduit en français). La scène se déroule il y a environ huit ans. L’adolescent­e de 15 ans, qui vit avec sa mère en Californie alors que le reste de la famille habite la Trump Tower à Manhattan, approche timidement sa demi- soeur pour évoquer un sujet délicat. Contrairem­ent à la plupart de ses amis, elle ne peut utiliser la carte de crédit de ses parents. Ivanka fait preuve de compréhens­ion. Même si elle-même et ses frères s’interdisen­t de traiter leur père « comme un distribute­ur de billets », tous profitent de ses largesses et reçoivent « un gros cadeau » de temps en temps. Donald Trump s’est ainsi arrangé pour que Michael Jackson assiste à une représenta­tion de Casse-noisette où Ivanka dansait quand elle était petite. « J’imagine que Tiffany n’a pas eu l’occasion d’apprécier ce genre de surprise, à cause du manque de proximité, écrit Ivanka. Tout ce qu’elle demandait, vraiment, c’était de pouvoir bénéficier des mêmes avantages que ses camarades, dont elle n’aurait pas été privée si elle avait vécu sous le même toit que notre père. » Finalement, Tiffany n’a rien eu à demander : « Grande Soeur a agi pour aider Tiffany, explique Ivanka en parlant d’elle à la troisième personne. Bien sûr, je ne le lui ai jamais dit [à part dans le livre, donc] mais je suis allé voir notre père et je lui ai suggéré d’offrir à Tiffany une carte de crédit pour Noël, avec une petite somme chaque mois – ce qu’il a fait de bonne grâce. Tiffany était ravie et soulagée. Et tel lement reconnaiss­ante. » La morale de cette histoire pourrait être la suivante : Ivanka est l’enfant qui comprend le mieux son père, celle qui a tous les droits. À cet égard, les Américains sont tous des Tiffany Trump, dépendants d’Ivanka pour que son père fasse ce qu’il doit faire.

II. La favorite

Aux yeux du grand public, Ivanka a longtemps été l’unique fille Trump. Tiffany est en quelque sorte « l’enfant oubliée », une forme de célébrité pour le moins étonnante. Elle n’a été associée que tardivemen­t à la campagne, à la fin de son année universita­ire. Ivanka et elle se sont alliées au service de leur père (certaines soeurs font placard commun ; elles, en revanche, partagent l’agence de relations publiques qui s’occupe d’Ivanka). Et le jour de l’élection, les deux soeurs ont voté Trump, comme 53 % des Américaine­s blanches.

Ivanka ne tarit pas d’éloges sur Tiffany, qu’elle a gardée sous sa coupe durant la campagne. Elle a confié au magazine People : « C’est ma petite soeur ! Je suis proche d’elle depuis sa

naissance, et je l’aime vraiment » (tout en précisant qu’elle n’est pas proche de Marla Maples, la mère de Tiffany). Les deux soeurs sont beaucoup plus actives sur les réseaux sociaux que leurs frères. Tiffany fait partie des « Rich Kids of Instagram » autoprocla­més, ces enfants gâtés qui étalent sur les réseaux sociaux leur vie glamour et celle de leurs amis. Tiffany au bord d’une piscine à Bora Bora, Tiffany dans les vagues au club Mar-a- Lago, Tiffany à Palm Beach ou en plein essayage pour la Fashion Week de New York. Elle a grandi à Calabasas, une banlieue chic de Los Angeles, avec les enfants Kardashian comme amis. On pourrait être tenté de les comparer, mais ce serait réducteur.

Ivanka aussi maîtrise l’art de rester dans la lumière depuis son apparition, en 2003, dans le documentai­re Born Rich, une chronique de la vie quotidienn­e des héritiers les plus fortunés du monde. Du haut de son mètre quatre-vingts, elle a été mannequin et a fait partie du jury de « The Apprentice », une émission de téléréalit­é produite et présentée par son père, désormais animée par Arnold Schwarzene­gger. Elle est aussi une mère de famille nombreuse toujours impeccable­ment coiffée, jonglant avec trois postes à responsabi­lités. Elle a dirigé une marque de mode à son nom, destinée aux jeunes femmes actives capables de s’offrir du « luxe abordable » – quelque chose entre Zara et J.Crew – qui peut proposer un pull à effet métallisé (89 dollars), une blouse à fleurs (69 dollars) ou des sandales frangées à talons hauts (145 dollars). D’ailleurs, la maison italienne Aquazzura a déposé une plainte pour contrefaço­n sur ces chaussures, accusant la marque d’Ivanka d’avoir copié son modèle à succès à 785 dollars. L’affaire n’a pas encore été jugée.

Parmi les enfants Trump, les filles ont été les plus utiles durant la campagne du père. Comme si leur présence était destinée à faire oublier que le nouveau président des États-Unis avait un jour affirmé qu’il fallait « traiter les femmes comme de la merde » (ce qu’il fait) pour qu’elles restent à leur place. Quand les plaintes pour harcèlemen­t sexuel ont commencé à s’accumuler, Donald Trump n’a cessé d’inviter le public à demander l’avis de sa fille aînée, garante de sa moralité. Née dans une famille influente, Ivanka est aussi considérée comme la plus raisonnabl­e du clan Trump. Son aspiration à la respectabi­lité fait d’elle une interlocut­rice de choix pour ses adversaire­s. Quand Nancy Pelosi, c hef d e fi le d es d émocrates à la Chambre des représenta­nts, a appelé Donald Trump juste après son élection, ce dernier lui a passé sa fille pour évoquer la question du congé parental d’éducation. Ivanka a aussi rencontré Al Gore, l’ancien candidat à la présidenti­elle démocrate et militant écologiste, pour discuter du réchauffem­ent climatique. Pour la même raison, elle s’est également entretenue avec Leonardo DiCaprio. Signe de son succès, les détracteur­s de Trump lui ont consacré un compte parodique sur Instagram, intitulé @dear_ ivanka. Parmi les messages, on peut lire : « Chère Ivanka, j’ai peur des croix gammées bombées sur ma place de stationnem­ent » ; « j’ai été violée et je dois avorter » ou encore « je suis américain et musulman, et j’ai été attaqué dans le métro ». Mais ça n’a pas l’air d’embarrasse­r Ivanka. Depuis l’élection, elle est aux anges : « Personne n’est plus exalté par cette victoire qu’elle », témoigne un ami. Ivanka est l’enfant du milieu, entre Donald Jr. et Eric. Elle a grandi dans une chambre couleur lavande au 68e étage de la Trump Tower, avec vue sur Central Park. Leur mère, Ivana, ancienne championne de ski née en Tchécoslov­aquie, est devenue une figure de la jet- set new-yorkaise après son mariage. Elle s’est occupée des nombreuses propriétés de son époux durant les douze années qu’a duré leur couple. Ivana et Donald ont été des parents très absents. Les enfants étaient élevés par deux nounous et un garde du corps. Un jour, ils ont essayé de vendre de la limonade pour se faire un peu d’argent, dans une

« SI MON PÈRE AVAIT UNE ONCE D’ANTISÉMITI­SME, je le saurais. » ivanka trump

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BLOnDE aMBitiOn Ivanka et Donald Trump au Plaza Hotel en 1991.
 ??  ?? FiLLES MODÈLES Tiffany et Ivanka lors de la convention républicai­ne à Cleveland en juillet 2016.
FiLLES MODÈLES Tiffany et Ivanka lors de la convention républicai­ne à Cleveland en juillet 2016.

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