Vanity Fair (France)

« QUEL EST LE MEILLEUR DOSSIER ? » DEMANDE FRANÇOIS HOLLANDE À SES SERVICES. « COURBIT. »

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sur la vulnérabil­ité de l’héritière de L’Oréal ? Peu importe : un entretien est fixé le 15 décembre 2010. II va à peine durer une demi-heure mais faire basculer le destin de Courbit des pages « économie » à la rubrique judiciaire.

Des années après ce rendez-vous, il n’a rien oublié. Ni le vaste canapé de velours épais avec ses coussins brodés ni les rideaux matelassés qui tombent en drapé le long des fenêtres. Encore moins ce lustre suspendu au plafond qui écrasait la frêle silhouette de la milliardai­re lovée dans un fauteuil Louis XV. « D’une voix douce mais ferme, raconte-t-il, elle m’a longuement interrogé sur mon père, mes origines familiales, mes goûts, mes affaires. » Ce jour-là, pour donner à l’octogénair­e une idée de ses mille et une activités, il a apporté quelques bandes dessinées et des disques édités par l’une de ses nombreuses sociétés, My Major Company. À l’en croire, elle lui aurait dit : « “Comment choisissez-vous les chanteurs ? Vous-même, vous chantez ?” Je lui réponds que je ne suis pas chanteur mais producteur. » Pascal Wilhelm, que la remarque a fait sourire, enverra plus tard à son acolyte un e-mail amusé, qui sera saisi et retenu par la justice comme une preuve de l’escroqueri­e : « Mme Bettencour­t aurait bien aimé avoir une bande de tes dernières chansons, je lui ai dit que tu étais justement parti enregistre­r. Bien à toi. » Seule certitude : deux jours après ce rendez-vous, la femme la plus riche de France investit 75 millions dans la holding de Stéphane Courbit, et encore 68 millions en mai 2011.

En février 2012, alors que les enquêteurs de l’affaire Bettencour­t travaillen­t discrèteme­nt sur son cas, il est réveillé par un coup de fil à trois heures du matin. Le Yogi, son mégayacht de 60 mètres de long, vient de couler à pic dans la mer Égée, tout près de l’île de Skyros. « Un cauchemar », se souvient-il. Au téléphone, il passe la nuit à organiser l’hélitreuil­lage par la marine grecque de ses huit hommes d’équipage. Tant pis pour l’argenterie, les écrans plasma, la cristaller­ie, la piscine sur le pont, le jacuzzi, les cinq cabines en acajou. Son bijou à 35 millions d’euros repose à 400 mètres de profondeur. Le naufrage résumera, dans une parabole dont raffolent les médias, la chute d’un ami du président emporté à son tour par le bling-bling.

Durant ces années-là, nos rendez-vous relèvent de la sinécure. « C’est bien parce que c’est toi », me lâche-t-il quand je pénètre dans ses bureaux. Calé sur son siège, il garde un oeil sur son portable, un autre sur mon calepin. Chaque rencontre est précédée d’une série de conditions, la première d’entre elles étant de ne pas aborder l’affaire Bettencour­t. Je lance quand même le sujet. Il se raidit. J’insiste. Il part dans un long monologue où s’entremêlen­t l’expression de son calvaire et des tics de langage du genre : « Ce n’est pas tout à fait ça », « Pour être précis, j’ajouterai que... » Étroitemen­t contrôlé, il ne dépasse jamais la durée fixée à l’avance : une heure. À la fin de l’entretien, il consulte sa montre, se lève et vous raccompagn­e jusqu’à la sortie, soulagé après l’épreuve.

Il fallait le voir, en mai 2015, lors du procès de l’affaire Bettencour­t. Des jours à écouter le président du tribunal le torturer sans fin sur le banc des accusés. Qu’il ait signé, peu avant le début des audiences, un protocole privé dans lequel il s’engage à restituer aux Bettencour­t les 143 millions d’euros ne change rien à l’affaire. À en croire le procureur, sa visite chez Liliane était un coup monté, et Pascal Wilhelm, un complice en escroqueri­e. On lui lit la réponse de sa généreuse mécène quand le juge lui a demandé si elle avait le souvenir d’avoir investi dans une société de poker en ligne : « Je ne vois pas pourquoi j’aurais mis de l’argent là- dedans. Si j’aime le jeu dans la vie, je n’aime pas les jeux de cartes. » Courbit n’en mène pas large. Il arrive au tribunal la tête baissée, afin d’échapper aux photograph­es. Le

(à propos de la création d’un hôtel de luxe au sein du château de Versailles)

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