DAVID YURMAN, le meilleur de l’Amérique
Le joaillier, sculpteur à l’origine, est aussi un chineur de pierres. De son studio de Manhattan aux mines de l’Arkansas, voyage sur les traces d’un self-made-man élégant et éclairé, comme seule une certaine Amérique en a (encore) le secret.
Ceux qui pensent encore que David Yurman est une marque américaine orpheline qui, pendant des années, a vogué sur la renommée de son ancienne égérie, Kate Moss, passent à côté du principal. David Yurman existe, je l’ai rencontré. Dans l’avion qui nous emmène dans l’Arkansas, vers l’une des plus grandes mines de cristal de roche au monde, appartenant à James Zigras, David Yurman met la dernière main aux plans des collections de bijoux qui portent son nom. La veille, les États-Unis se sont réveillés pourvus d’un nouveau président nommé Donald Trump. Chez les New-Yorkais purs et durs, la stupeur le dispute à la gueule de bois politique. Cependant, calme et mesuré, David Yurman ne se laisse pas gagner par la morosité ambiante.
Lui et son épouse Sybil se sont connus en 1969 quand David était apprenti dans le studio d’un sculpteur. Sa première création fut portée en bijou par Sybil. Mariés depuis 1979, ils n’ont ni townhouse ripolinée à NYC, ni collection d’art contemporain arrogante, alors que le succès de leur marque le leur permettrait. L’appartement downtown tient plutôt d’un ascétisme propre au
décorateur Axel Vervoordt. Sybil, à l’origine artiste peintre, n’affiche rien des standards de l’épouse type à Manhattan : pas de chirurgie esthétique, pas de blanchiment dentaire agressif, pas de « amaziiiiing » hystérique à tout propos. Bref, on est ici au plus près de ce que l’Amérique, disons plutôt de ce que New York, a de meilleur à offrir : un goût éclairé. Idem dans les bureaux de la marque. Ses premières sculptures ont quelque chose des bijoux d’artistes réservées aux initiées : compressions de César, poésie de Line Vautrin... En 1971, le collier Dante retient l’attention de Bella Fishko, fondatrice de la galerie new-yorkaise Forum. Lorsque celle- ci demande à le mettre en vente, David répond « non » au moment même où Sybil répond « oui ». Les intéressés en rient encore. Quelques heures plus tard, quatre exemplaires étaient déjà vendus. Aujourd’hui, David pense d’ailleurs à le rééditer tant son entourage le pousse à revenir à ses premières amours. Le collier émanant de ce travail de jeunesse fondateur est donc sur le point de réapparaître à l’inventaire D.Y.
Mais le bijou qui a fait le succès du couple Yurman, c’est le bracelet Cable. En 1983, ce jonc composé de fils d’or et d’argent torsadés terminé de cabochons de pierres ouvre la voie à une réussite phénoménale. Depuis, les collections se sont diversifiées et enrichies. La haute joaillerie est apparue. Evan, fils du couple, a lancé l’horlogerie et la bijouterie masculine. Mais, au fond, David Yurman demeure toujours émerveillé lorsqu’il découvre des pierres extraordinaires dans la mine de James Zigras ou à la foire aux minéraux de Tucson. Dans son bureau, il montre comment des morceaux de bois fossilisés, une turquoise brute et des perles inégales composeront un collier pièce unique. La veille, dans une rue de Hot Springs, en Arkansas, il a photographié une balafre dans le bitume au soleil couchant lorsqu’on marchait en ville. Il trouvait ça beau, poétique, inspirant. C’est ça, David Yurman : un self-made-man qui n’a jamais abandonné l’artiste qui est en lui. —