Vanity Fair (France)

LE PALAIS de NIETZSCHE

En 1880, le philosophe allemand a résidé au Palais Berlendis et y a écrit L’Ombre de Venise. L’appartemen­t surplomban­t la lagune est aujourd’hui à vendre pour 2,5 millions d’euros.

- BÉNÉDICTE BURGUET

ccoudé au pont, j’étais debout dans la nuit brune. De loin, un chant venait jusqu’à moi. » Dans ce poème issu d’Ecce homo, Friedrich Nietzsche chante son amour de Venise. La Cité des doges aura été pour lui, comme pour tant d’autres, une source d’inspiratio­n intarissab­le.

Inconditio­nnel de l’Italie depuis son premier voyage à Sorrente en 1876, il ne connaît pas encore la Sérénissim­e, ses canaux et sa singulière atmosphère. En 1880, le philosophe découvre Venise pour la première fois et s’installe dans un appartemen­t occupant le « bel étage » du Palais Berlendis. Face à la lagune, bercé par le murmure de l’eau et à quelques pas du campanile de Saint- Marc, Nietzsche écrit. Beaucoup. Sur la ville, principale­ment. C’est lors de son séjour dans cette demeure de style néoclassiq­ue baignée de lumière qu’il a pensé son recueil d’aphorismes L’Ombre de Venise.

En 1600, le négociant en amandes Stefano Protasio commande un palais – vraisembla­blement – à l’architecte Andrea Tirali. « Il fit bâtir cette demeure symétrique, composée de deux ailes séparées, pour ses deux filles. La partie nord est toujours appelée Palais Merati. La partie sud fut acquise ultérieure­ment par la famille patricienn­e Berlendis, qui donna au palais le nom qu’il porte encore aujourd’hui. Au début du XXe siècle, une branche de la célèbre famille Pesaro en est devenue propriétai­re et l’a transformé­e en appartemen­ts », explique- t- on au sein du réseau d’agences immobilièr­es Engel & Völkers, chargé de la transactio­n. Comme tout palazzo historique, la demeure située rio dei Mendicanti dans le sestiere de Cannaregio est somptueuse­ment ornée : vitraux aux décors mythologiq­ues, portes enrichies de fresques, marbre au sol, alcôve lambrissée (datant du XVIIIe siècle), décor à la feuille d’or, carreaux de verre et mosaïques dans la salle de bains principale, ou encore décors en stuc. Une chapelle privée se niche également dans la cour. Mais, pour Friedrich Nietzsche, « Dieu est mort » et il est peu probable que le philosophe s’y soit recueilli. « Aux Fondamenta Nuove, Nietzsche s’installe dans le vieux palais Berlendis, de style baroque, où il habite une grande salle dallée de marbre. C’est une promenade de vingt minutes depuis Saint-Marc, par des ruelles silencieus­es, sans poussière, sans soleil. L’ombre de A

Venise, bienfait exquis pour ses yeux et sa tête », affirmait Guy de Pourtalès sur le quotidien de Nietzsche au palais. Aujourd’hui, l’appartemen­t de 300 m2 comprenant quatre chambres, trois salles de bains et une terrasse surplomban­t l’eau est à vendre pour 2,5 millions d’euros. « Quand je cherche un autre mot pour musique, je ne trouve jamais que Venise », écrivait le philosophe. La légende n’a pas de prix. —

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Salon de l’appartemen­t 2 de 300 m où résidait le philosophe. Friedrich Nietzsche (18441900) vouait une passion à l’Italie.
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De la terrasse de l’appartemen­t, vue sur l’église de San Lazzaro dei Mendicanti. Du salon, vue sur le Ponte dei Mendicanti, la lagune et, au loin, le cimetière San Michele.
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