Vanity Fair (France)

L’ALLURE de…

...Cicely Tyson et Miles Davis par Ron Galella, New York, 1968.

- CHRISTOPHE­R NIQUET

Tumultueus­e » : c’est le mot récurrent des journalist­es pour décrire la liaison entre

Cicely Tyson et . La vie privée de l’actrice

Miles Davis a toujours été nimbée de mystère, qu’il s’agisse de sa naissance à Harlem, de ses débuts de comédienne ou de sa vie amoureuse. Personne ne sait vraiment quand a commencé (ni fini) cette longue romance. S’ils se sont mariés officielle­ment en 1981, Cicely apparaît dès 1967 sur la pochette de l’album Sorcerer. Lui est déjà « le prince du jazz » tandis qu’elle sera nommée aux Oscars en 1972 pour le film engagé Sounder. On ignore les circonstan­ces de leur rencontre, si ce n’est que le couple devint l’équivalent médiatique de Jay Z et Beyoncé dans les années 1970 : l’alliance parfaite d’un génie musical au passé trouble de proxénète et d’une beauté noire pour qui chaque rôle était politique. Après des débuts de mannequin à New York, Cicely s’essaye au théâtre : elle jouera (avec la poétesse

Maya Ange) dans la production off Broadway de lou la pièce de , Les Nègres. Pour

Jean Genet ce rôle, en 1961, elle ira jusqu’à se raser la tête. Sans en parler au metteur en scène, elle se rend chez un barbier de Harlem et lui demande de tondre ses cheveux défrisés pour être plus proche du physique de son personnage. Le soir-même, elle arrive coiffée d’un foulard qu’elle n’enlève qu’avant d’entrer en scène, laissant ses camarades de jeu sans voix. Au début des années 1960, le mouvement de libération de la population noire des États-Unis n’en est qu’à ses prémices et la beauté- type est encore celle d’une femme blanche à cheveux raides ; avec ce geste radical, Cicely va lancer une mode et inciter ses contempora­ines à l’imiter – au grand dam des propriétai­res de salons afro qui voient leur clientèle diminuer comme peau de chagrin. Désormais, black is beautiful et Cicely a bien l’intention d’en profiter. Cheveux courts, robe de crêpe blanche et boucles d’oreilles d’inspiratio­n primitive, c’est avec fierté qu’elle entre, un soir de 1968, au Cheetah Club au bras de Miles Davis, après avoir assisté à l’avant-première de l’adaptation du roman de , Le coeur est un

Carson McCullers chasseur solitaire, et que les deux artistes se promènent sous les 3 000 ampoules du plafond, reflétées à l’infini par les murs en miroir de ce temple de l’hédonisme. Les voilà parfaits ambassadeu­rs du mouvement Radical Chic, ce mélange d’art et d’engagement politique qui va changer à jamais la place des Noirs aux États-Unis. Ron Galella ne s’y est pas trompé : près de cinquante ans plus tard, ce paparazzi obsédé par le glamour et les stars (surtout par Jackie Kennedy) voit dans cette photo l’un de ses meilleurs clichés. —

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