Vimala Pons & Tsirihaka Harrivel
Drôles de numéros
Il n’y a guère qu’au cirque qu’on peut prendre autant les mots au pied de la lettre. « Je vais faire un tour » ? Et hop, un salto. « C’est lourd à porter » ? Oui, elle a une machine à laver en équilibre sur la tête. Lacan peut jubiler, c’est implacable. Surtout quand la démonstration est faite par Vimala Pons et Tsiri - haka Harrivel, figures de proue d’un cirque inventif qui aime poser un sens sur les actes. Ou du moins le chercher. « Avec un gars et une fille en scène, la ques- tion de l’amour s’est vite posée. Qu’est- ce que c’est que d’essayer de s’aimer ? D’autant que pour moi, le couple est une notion abstraite », avoue celle qui fait également le bonheur du cinéma d’auteur ( Vimala Pons a tourné avec Honoré, Podalydès ou Peretjatko). En scène, elle et son complice s’envolent, s’accrochent, portent ou lâchent. Littéralement. Avec une nette prédilection pour le détourne- ment d’objets, ce qui rend l’affaire encore plus intime et familière. « On a besoin d’avoir un rapport avec les objets, de sortir de l’abstraction des agrès de cirque, explique Tsirihaka. Pour la cuisine qui est sur le plateau, par exemple, on est allé la démonter chez quelqu’un. » Si Grande – emprunte au music- hall, au théâtre et au cirque, la conception bricolo- maison date de la rencontre du duo à l’École supérieure des arts du cirque il y a plus de dix ans. Il est matheux, elle est sportive (tennis, patinage et ceinture noire de karaté, s’il vous plaît). Il est calme et tout en intériorité, elle pète le feu et déborde de tout. La piste devient naturellement leur terrain d’entente et de jeux. « Mais on s’engueule beaucoup ! prévient Vimala. Ce qui est très sain car quand tu es capable de t’engueuler avec quelqu’un, c’est que tu n’as pas peur de le perdre. » À voir l’ébullition permanente de ce spec- tacle iconoclaste créé à deux têtes et quatre mains, on se dit que ceux- là n’ont effectivement peur de rien. —