Vanity Fair (France)

PEREC MODE D’EMPLOI

Trente-cinq ans après sa mort, le pataphysic­ien entre dans « La Pléiade ». L’occasion de décortique­r un oeuvre qui hante encore notre imaginaire.

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Les rappeurs citent son goût des listes, les mathématic­iens louent la géométrie de ses textes, les artistes contempora­ins corrèlent leur pratique et ses livres, de nombreux écrivains se réclament de son influence : Philippe Vasset, Annie Ernaux, Ivan Jablonka... Et voilà que Georges Perec fait l’objet d’une monographi­e (aux « Cahiers de L’Herne ») et d’une intronisat­ion dans « La Pléiade ». Si l’auteur de La Vie mode d’emploi obsède tant notre psyché, c’est grâce à son oeuvre polymorphe, rétive à toute forme d’académisme. Avec Les Choses, portrait d’un couple et de son environnem­ent matériel dans les années 1960, il a raillé bien avant Houellebec­q le vide idéologiqu­e engendré par la société de consommati­on. S’y mêlent roman et sociologie, une associatio­n encore féconde aujourd’hui sous la plume d’Édouard Louis. Par ses tentatives suivantes d’épuisement du réel, Perec a cherché à combler le vide laissé par ses parents tués pendant la guerre, sublimé dans W ou le Souvenir d’enfance qui a révolution­né l’autobiogra­phie en l’amenant sur le terrain de la fiction. Cette disparitio­n a également influé sur sa production de poète et membre de l’Oulipo – le fameux laboratoir­e de littératur­e expériment­ale fondé par Queneau. Féru d’exercices de style et de contrainte­s (La Disparitio­n, Je me souviens) qui lui ont permis d’exorciser son passé par des jeux de langage et un humour potache, Perec a ainsi anticipé la culture du LOL sur les réseaux sociaux. Celui qui fut un grand verbicruci­ste a semé les graines de notre imaginaire contempora­in. —

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