Vanity Fair (France)

« SES FAUTES DE GOÛT SONT ARRIVÉES TARD »

Sandrine Tinturier, commissair­e de l’exposition consacrée à la garde-robe de DALIDA, explique sa plongée dans le dressing de la chanteuse.

- PAR SOPHIE ROSEMONT PROPOS RECUEILLIS

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Tout est né en 2015 du don d’ , Orlando le frère de , au palais GalDalida liera : environ cent cinquante robes et une centaine d’accessoire­s. L’exposition s’imposait et Olivier Saillard m’a confié le soin de m’en occuper. Étant de culture rock, je ne m’étais jamais vraiment attardée sur Dalida, mais je me souviens, enfant, d’avoir guetté ses apparition­s télévisuel­les juste pour voir ses tenues. Et mon travail au sein d’une première exposition autour d’elle il y a dix ans, à l’hôtel de ville de Paris, m’avait sensibilis­ée au personnage.

Je me suis retrouvée face à une garde- robe pas toujours datée, que je devais analyser en évitant le pathos. Ce qui m’effrayait, c’était tout ce qu’on a récemment vu avec le film de Lisa Azuelos : ses amants suicidés, ses traumas, son absence d’enfant... Le sujet de l’exposition, c’est Dalida et son rapport très fort au vêtement. Elle gardait tout, savait ce qui lui allait, contrôlait son style avec exigence, loin de la victime que l’on nous a souvent présentée.

Dalida a vécu trois grandes périodes : d’abord la jeune fille encore influencée par le New Look, avec des robes faites par , le seul couturier

Pierre Balmain dont elle fut très proche. Puis la rupture, avec des robes longues, des motifs oversize, l’imagerie hippie, le style Saint Laurent rive gauche. D’après moi, les seventies sont l’apogée du style de Dalida. J’ai été très émue par une robe d’Azzaro vermillon, très fluide, le corsage souligné par un cloutage de perles. À la fois pure et hollywoodi­enne. Enfin, elle adopte durant sa période disco les modes les plus outrées des années 1980, de Mugler à Jitrois, alors qu’elle s’était jusque-là tenue à distance des tendances. À l’approche de la cinquantai­ne, sa dépression l’a éloignée de son public et de ses proches. Délaissant la couture pour le costume de scène, un sourire de music- hall plaqué sur le visage et des lunettes noires masquant ses yeux, elle est déjà absente. Avec le scénograph­e ,

Robert Carsen notre objectif était de réhabilite­r son sens du style sans que le vêtement ne devienne une relique. Chaque tenue présentée est accompagné­e d’une photograph­ie où on la voit portée par Dalida. Orlando a été très disponible. Entouré des disques d’or de la chanteuse, il vit pour elle et sa mémoire ne lui fait jamais défaut. Je me souviens de l’une de ses remarques à propos d’une tenue des années 1960 où il affirmait que le manteau était trop long. Après vérificati­on, nous avons constaté qu’en effet, l’ourlet était défait ! Il nous a aussi parlé du rapport aux bijoux de sa soeur : elle n’aimait pas l’or et les diamants. À part une montre Baume & Mercier en or blanc, je n’ai rien trouvé de précieux dans son bric- à- brac de bijoux. En donnant ces robes à Paris, ville qui a sacré sa soeur, Orlando a cependant tourné une page. Il m’a dit à plusieurs reprises qu’il n’était pas éternel.

Au fil du temps, je me suis attachée à Dalida. Son contrôle de son image était exceptionn­el, ses fautes de goût ne sont arrivées que très tard. Il est touchant de voir l’évolution d’une femme qui n’a jamais laissé ses drames personnels empiéter sur son apparence. » —

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