Vanity Fair (France)

GENTLEMEN’S CLUB

À Venise, l’architecte Charles Zana orchestre la rencontre impossible de deux génies disparus du design italien, Sottsass et Scarpa.

- PIERRE GROPPO

Place Saint-Marc, sa basilique, son campanile, ses touristes et ses pigeons. Mais aussi une boutique confiée à l’architecte en 1957

Carlo Scarpa par l’entreprise Olivetti qui, « pour vendre ses produits comme de l’art », explique l’architecte , souhaite dispo

Charles Zana ser d’un showroom avant-gardiste au coeur de la Sérénissim­e, non loin des giardini qui accueillen­t la Biennale. L’année suivante,

, 40 ans, consultant pour Ettore Sottsass la marque, imagine le premier ordinateur italien, puis la machine à écrire Valentine (entrée dans les collection­s du Centre Pompidou). De cet homme à l’éternel regard de Droopy, on connaît le goût de la couleur incarné par le mouvement Memphis ; beaucoup moins son attrait pour l’Orient, les beatniks américains et son travail de céramiste. « C’est là qu’il exprime ses sentiments les plus intimes. Ce n’est pas un travail commercial – il n’a quasiment rien vendu de son vivant –, mais plutôt psychanaly­tique, dans la répétition des formes et la variation des couleurs qui l’obsèdent du milieu des années 1950 à la fin des années 1960 », raconte Charles Zana, qui a commencé à le collection­ner il y a trente ans. Au Negozio Olivetti imaginé par Scarpa (« un petit monsieur en costume, idole de ma génération pour son absence de concession, son oeuvre rare et son style unique»), Zana a réuni une soixantain­e de pièces. Les pièces ovoïdes, imitant la lave et jouant avec les textures, les lignes inspirées des isolateurs électrique­s et les formes sifflets préfiguran­t la période Memphis vont de pair avec des oeuvres plus sombres. Tombé gravement malade en Inde, c’est grâce au soutien de

Roque Sottsass est soigné dans berto Olivetti un hôpital de Palo Alto, en Californie, en 1961 : une expérience qui inspire les totems médicament­eux et autres noirs fumés, et, en version positive, les infinies déclinaiso­ns des assiettes Shiva, les vases tantriques, les motifs reprenant des mandalas traditionn­els... « Chez Sottsass et Scarpa, le beau est marqué par une recherche spirituell­e, un sens de la simplicité qui fait d’eux des sortes de cistercien­s des temps modernes », sourit Zana, ravi de réunir ces deux pères fondateurs qui, s’étant frôlés (une photo en témoigne), ne se sont jamais vraiment rencontrés. L’erreur est réparée. —

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