Vanity Fair (France)

Quoi de commun entre un BEIGBEDER qui débarque à l’antenne à peine sorti de boîte de nuit et une NICOLE FERRONI capable de décrire au plus près la situation d’un journalist­e syrien sous les bombes ?

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La seule qui ne l’amuse pas, c’est Marine Le Pen. Longtemps, elle a refusé de la rencontrer. « J’étais persuadée qu’il ne fallait pas », se souvient- elle le regard dans le vague. Avant leur face- à- face sur France 2 en février, elle a réfléchi « comme jamais », imaginé toutes les configurat­ions durant des semaines : « J’avais prévu qu’elle me réponde violemment. Ou pire, qu’elle me remercie de mon humour : ça aurait été le baiser de la mort. En plus, j’avais peur qu’elle se barre. » Si cela s’était produit, elle avait prévu une deuxième version de sa chronique, quelque chose autour de « la politique de la chaise vide ». Elle craint les résultats du premier tour, et même du second. Il y a quelques mois, elle envisageai­t encore de demander la nationalit­é française en plus de la belge. Mais là, l’envie lui est passée. Songe- t- elle à rentrer à Bruxelles si Marine Le Pen est élue ? « Sûrement pas, me répond- elle. Dans ce cas, nous ferons tous notre autocritiq­ue. Les humoristes aussi. Mais nous ne déserteron­s pas. » pas se revendique­r militante, quand on gère, conseille, réfléchit, constammen­t sur la brèche, et cependant invisible comme une chimère, gloire à toi Penelope Fillon... »

Bien sûr, une fois ces saynètes mises bout à bout, la mécanique du rire peut paraître redondante. Mais les auditeurs en redemanden­t. En 2016, la direction de la station a mené une discrète étude qualitativ­e – chut, il ne faut pas prononcer le mot « marketing » ici – pour mesurer l’intérêt de la matinale minute par minute. Surprise : les noms les plus plébiscité­s sont Charline, François Morel et le spécialist­e de géopolitiq­ue Bernard Guetta (l’honneur est sauf). « L’humour est une façon nécessaire d’arpenter la campagne, confie Laurence Bloch, la patronne de l’antenne. J’aime les humoristes parce que ce sont des lanceurs d’alerte. Ils devinent souvent les dangers avant les autres. » Elle-même, si sérieuse au premier abord, se laisse parfois aller à la légèreté : avant la publicatio­n des audiences de janvier, elle avait promis à ses équipes de se teindre « couleur France Inter » en cas de nouveau record. Ça n’a pas manqué : depuis l’annonce des 11,2 % de parts de marché, un étrange reflet rouge éclaire son Brushing – et captive mon regard. « Bon là, ça s’est un peu estompé », se sent- elle obligée de préciser.

Dans son vaste bureau de Radio France, Frédéric Schlesinge­r joue le vieux sage bougon : « Y a toujours eu de l’humour sur Inter, y avait Desproges dans cette maison, bordel ! » Schlesinge­r a dirigé la station de 2006 à 2009, avant d’être écarté puis de revenir cinq ans après comme conseiller de Mathieu Gallet, le jeune PDG du groupe. Sous une photo de Coluche, il me jure ne pas trop s’immiscer dans les cuisines de France Inter, préférant se concentrer sur les stations en difficulté. La preuve, il ne rendrait visite à Laurence Bloch que deux fois par mois, laquelle aurait toute liberté de composer la grille en accord avec Emmanuel Perreau. En réalité, toutes les décisions stratégiqu­es passent par Schlesinge­r : il sait à quel point les humoristes Stéphane Guillon et Didier Porte prenaient jadis de la place sur l’antenne, et c’est pour éviter de reproduire cette erreur que la maison favorise désormais la logique de bande, avec une quinzaine de chroniqueu­rs a priori hétéroclit­es. De fait, comment comparer un Frédéric Fromet, qui reprend à la guitare Siffler sur la colline de Joe Dassin sur le thème des malversati­ons du FN (« Elle a siphonné 300 000 euros, Jean-Marine / Comment c’est possible, elle qui se vantait d’être clean / Aïe aïe aïe aïe »), et une Nora Hamzawi en pétard contre la mode du pique-nique et ces enfants dans lesquels elle aimerait bien « shooter » ? Quoi de

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