Vanity Fair (France)

LE PARTI D’EN RIRE

Ils se définissen­t comme des « journalist­es qui font des blagues ». L’allure d’Hamon les désespère, l’hystérie de Macron en meeting les galvanise et ils s’en sont donné à coeur joie sur le « Penelopega­te ». Chaque jour sur France Inter, Charline Vanhoenac

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C’était il y a cinq ans, autant dire une éternité. François Hollande allait devenir président de la République et Charline Vanhoenack­er, jeune journalist­e belge installée à Paris, s’apprêtait à commenter l’événement sur la RTBF. Pour la soirée du premier tour, elle m’avait invitée dans les studios parisiens de la télévision wallonne, boulevard Saint- Germain. Ce dimanche 22 avril 2012 vers 17 heures, j’étais sur le point de la retrouver quand son numéro s’est affiché sur mon Iphone : « Lisa, j’ai un problème. Je dois annuler... » Elle parlait d’une voix inquiète et saccadée, évoquait un « accident de scooter », une « stupide glissade » à cause d’un feu qu’elle avait vu « rouge alors qu’il était vert ». Les pompiers l’avaient relevée mais le genou était en vrac. « J’aurais mieux fait d’aller à Tulle ! » m’écrit- elle sur le chemin des urgences. Second SMS de la salle d’attente : « La douleur, ça peut aller, mais impossible de poser le pied. » Elle vivra la fin de la campagne au fond de son canapé, la jambe maintenue par une attelle, comme dans une mauvaise histoire belge.

Un quinquenna­t s’est écoulé et ce 21 février 2017, je ne peux m’empêcher de trembler en la regardant traverser la rue devant la Maison de la radio – et si je lui portais malheur ? L’accident a changé sa vie. Après la rééducatio­n, Charline s’est lancée dans une chronique drôle et décalée chez Pascale Clark sur France Inter. Le résultat a plu ; on lui a demandé de présenter le « 5/7 » avec Éric Delvaux, puis une émission pendant l’été et voilà ce qui arrive quand la chance rencontre l’envie et le talent : à 39 ans, elle est devenue une voix emblématiq­ue de la station. Son visage s’affiche partout, sur les couverture­s des magazines, au dos des bus, et même sur une affiche XXL au milieu du grand hall de la maison ronde. Chaque matin à 7 h 57, juste avant le journal de 8 heures, elle étrille les politiques dans la bonne humeur, imitant si besoin la bourgeoise Manif pour tous ou la communican­te has been, pour le plus grand bonheur des quatre millions d’auditeurs. Couvée et poussée par Emmanuel Perreau, le jeune directeur des programmes, elle reprend du service l’après-midi avec son compatriot­e Alex Vizorek pour produire et animer la tranche de 17 à 18 heures, celle où sévissait jadis le grand Jacques Chancel face à JeanPaul Sartre, Brigitte Bardot ou Jean d’Ormesson. Même la télévision lui a fait une place : depuis la rentrée, elle intervient à la fin de « L’Émission politique » de France 2, en résumant la prestation du candidat avant de lui remettre un cadeau : une casserole pour Nicolas Sarkozy, un skateboard à Alain Juppé...

Mais le plus drôle chez Charline, c’est qu’elle est restée la même. « Oh, tu sais, je me sens toujours journalist­e, confie-t- elle. Je prends juste un peu plus de liberté que les autres. » Une « journalist­e qui fait des blagues », comme elle se présente sur Twitter. Elle dit d’ailleurs « tuitteur », porte une bague en argent et a l’air en pleine forme alors qu’elle se lève chaque matin à 6 heures. « Tu veux du vin ? Moi, je vais me prendre un verre de brouilly. » Ses semaines passent à une vitesse folle. C’est une accro à l’actualité qui dévore la moindre dépêche. « Le pire, dit- elle, ce sont les moments de creux. Là, avec cette campagne, il n’y a qu’à se baisser pour ramasser. » Elle se frotte les mains en pensant à la semaine qui s’annonce. Demain, Emmanuel Macron sera à Londres et elle se voit déjà l’imiter, hurlant en anglais avec un accent français ridicule « zis is my projeeeect ». « Macron, poursuit- elle, c’est un baril de lessive nouvelle formule. Tu l’ouvres et surprise, rien de neuf sous le couvercle : Jacques Attali et Alain Minc sont à l’intérieur. » Jeudi matin, François Bayrou mettra fin au « suspense insoutenab­le » autour de sa candidatur­e et elle est « prête » à affronter ce moment historique. Ce soir-là, elle enchaînera encore sur France 2 face à Jean-Luc Mélenchon : « Je l’ai croisé dans un train, il m’a demandé des baskets neuves. Mais j’ai plutôt envie de lui offrir une veste de jogging Adidas, la même que Fidel Castro. »

Charline écrit ses billets la veille pour le lendemain, toujours en gros caractères, double interligne avec deux centimètre­s de marge. Puis elle débarque à la radio « comme une athlète qui va faire le kilomètre lancé ». Quand elle déroule son texte, elle adore regarder les invités, mais déteste qu’ils intervienn­ent. « C’est assez désagréabl­e de se faire exploser sa chronique par un type qui dit plus de conneries que toi », remarque- t- elle. En dehors du studio, elle ne parle jamais aux politiques, les évite au maquillage, les fuit dans la vie. « Si je me retrouve au même endroit qu’un conseiller, je pars à l’autre bout de la pièce. » Enfin, pas toujours. L’autre matin, en voyant l’équipe de François Hollande s’affairer gravement autour d’un fauteuil, elle n’a pas pu s’empêcher d’inter venir : « Vous êtes vraiment six autour d’une chaise pour vérifier qu’elle a bien deux accoudoirs ? »

« Si Marine Le Pen est élue, NOUS FERONS TOUS NOTRE AUTOCRITIQ­UE, surtout les humoristes. Mais nous ne déserteron­s pas. » CHARLINE VANHOENACK­ER

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