L’AIGUILLEUSE du ciel
Connue pour avoir sauvé les astronautes de la mission Apollo 13, la Speedmaster d’Omega fête son soixantième anniversaire.
Lancé en 1957, le chronographe helvète coulait des jours heureux sans que rien ne vienne perturber sa carrière. Jusqu’à ce qu’en 1965, les ingénieurs de la Nasa décident d’en équiper les astronautes du programme Gemini. Pourvue de larges bracelets Nato, voici la Speedmaster enroulée autour des épaisses combinaisons blanches, à titre purement consultatif. Mais c’est le 14 avril 1970 que ce garde-temps va entrer dans la légende en participant au sauvetage de la mission la plus périlleuse de l’histoire : Apollo 13.
Sur le papier, celle- ci n’a pourtant rien d’impossible. L’année précédente, au nez et à la barbe des Russes, la Nasa a envoyé Neil Armstrong planter un drapeau américain sur la Lune. Y retourner ne devrait pas poser de problème particulier. Après cinquante- six heures de vol, pourtant, les instruments de navigation signalent une pénurie d’oxygène et du carburant qui alimente le moteur de cent millions de chevaux. Lors du décollage, en effet, la température atteinte a été plus élevée que prévu, ce qui a provoqué l’explosion d’un des réservoirs. « Houston, we’ve had a problem » : les mots de Jack Swigert (et son calme olympien) sont devenus célèbres – et peuvent être réécoutés sur le compte Soundcloud de la Nasa.
Et quel problème ! Il reste un filet de carburant dans les autres réservoirs et à peine davantage d’oxygène pour les 300 000 km qui séparent les trois astronautes de la planète bleue. Situation critique. Houston s’arrache les cheveux et finit par exposer son idée : comme un demi-tour est impossible avec une fusée, il faut continuer jusqu’à la Lune, la contourner et profiter de son attraction gravitationnelle pour se relancer jusqu’à la Terre. Une série de petites mises à feux permettront de garder l’élan et de corriger la trajectoire en consommant le minimum d’énergie. Pour les minuter, il faut un instrument précis et qui ne consomme rien. Ce sera l’Omega Speedmaster. À bord, tout est coupé : plus aucun instrument ne fonctionne sauf le minimum
vital, laissant place à l’obscurité totale et à un froid polaire. Par miracle, la procédure imaginée par l’équipe au sol fonctionne. Reste la dernière poussée, qui devra durer quatorze secondes précisement. En deçà, la capsule manquera d’énergie pour atteindre la Terre. Au- delà, elle pénétrera trop vite dans l’atmosphère pour être freinée par les parachutes. Les trois astronautes tracent un semblant de repère à la main sur le hublot pour calculer l’angle optimal de pénétration... et ça marche ! Bénéficiant décidément d’un alignement des planètes improbable, ils finissent leur course en mer, à quelques miles des bateaux lancés à leur recherche.
Après cet exploit, la maison horlogère née en 1848 est récompensée du Silver Snoopy award, la plus haute distinction attribuée par la Nasa à l’un de ses fournisseurs. Omega tient sa légende (et Ron Howard le scénario de son film Apollo 13, sorti vingt- cinq ans plus tard).
La version de la Speedmaster présentée à Bâle cette année est quasi identique à l’originale. Les modifications concernent surtout le mouvement, qui bénéficie des dernières améliorations de la manufacture. L’entrepreneur californien Elon Musk, qui envisage d’envoyer des particuliers dans l’espace, leur proposera- t-il de porter une Speedmaster ? Au vu de l’histoire, ce serait vivement conseillé. —