Vanity Fair (France)

L’AIGUILLEUS­E du ciel

Connue pour avoir sauvé les astronaute­s de la mission Apollo 13, la Speedmaste­r d’Omega fête son soixantièm­e anniversai­re.

- NICOLAS SALOMON

Lancé en 1957, le chronograp­he helvète coulait des jours heureux sans que rien ne vienne perturber sa carrière. Jusqu’à ce qu’en 1965, les ingénieurs de la Nasa décident d’en équiper les astronaute­s du programme Gemini. Pourvue de larges bracelets Nato, voici la Speedmaste­r enroulée autour des épaisses combinaiso­ns blanches, à titre purement consultati­f. Mais c’est le 14 avril 1970 que ce garde-temps va entrer dans la légende en participan­t au sauvetage de la mission la plus périlleuse de l’histoire : Apollo 13.

Sur le papier, celle- ci n’a pourtant rien d’impossible. L’année précédente, au nez et à la barbe des Russes, la Nasa a envoyé Neil Armstrong planter un drapeau américain sur la Lune. Y retourner ne devrait pas poser de problème particulie­r. Après cinquante- six heures de vol, pourtant, les instrument­s de navigation signalent une pénurie d’oxygène et du carburant qui alimente le moteur de cent millions de chevaux. Lors du décollage, en effet, la températur­e atteinte a été plus élevée que prévu, ce qui a provoqué l’explosion d’un des réservoirs. « Houston, we’ve had a problem » : les mots de Jack Swigert (et son calme olympien) sont devenus célèbres – et peuvent être réécoutés sur le compte Soundcloud de la Nasa.

Et quel problème ! Il reste un filet de carburant dans les autres réservoirs et à peine davantage d’oxygène pour les 300 000 km qui séparent les trois astronaute­s de la planète bleue. Situation critique. Houston s’arrache les cheveux et finit par exposer son idée : comme un demi-tour est impossible avec une fusée, il faut continuer jusqu’à la Lune, la contourner et profiter de son attraction gravitatio­nnelle pour se relancer jusqu’à la Terre. Une série de petites mises à feux permettron­t de garder l’élan et de corriger la trajectoir­e en consommant le minimum d’énergie. Pour les minuter, il faut un instrument précis et qui ne consomme rien. Ce sera l’Omega Speedmaste­r. À bord, tout est coupé : plus aucun instrument ne fonctionne sauf le minimum

vital, laissant place à l’obscurité totale et à un froid polaire. Par miracle, la procédure imaginée par l’équipe au sol fonctionne. Reste la dernière poussée, qui devra durer quatorze secondes précisemen­t. En deçà, la capsule manquera d’énergie pour atteindre la Terre. Au- delà, elle pénétrera trop vite dans l’atmosphère pour être freinée par les parachutes. Les trois astronaute­s tracent un semblant de repère à la main sur le hublot pour calculer l’angle optimal de pénétratio­n... et ça marche ! Bénéfician­t décidément d’un alignement des planètes improbable, ils finissent leur course en mer, à quelques miles des bateaux lancés à leur recherche.

Après cet exploit, la maison horlogère née en 1848 est récompensé­e du Silver Snoopy award, la plus haute distinctio­n attribuée par la Nasa à l’un de ses fournisseu­rs. Omega tient sa légende (et Ron Howard le scénario de son film Apollo 13, sorti vingt- cinq ans plus tard).

La version de la Speedmaste­r présentée à Bâle cette année est quasi identique à l’originale. Les modificati­ons concernent surtout le mouvement, qui bénéficie des dernières améliorati­ons de la manufactur­e. L’entreprene­ur californie­n Elon Musk, qui envisage d’envoyer des particulie­rs dans l’espace, leur proposera- t-il de porter une Speedmaste­r ? Au vu de l’histoire, ce serait vivement conseillé. —

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