QUATRE présidents, UNE chancelière
Nos chefs d’États passent, Angela Merkel demeure. En douze années de pouvoir, l’inamovible « Mutti » a connu le baisemain de Chirac, les foucades de Sarkozy, l’ambiguïté de Hollande et, maintenant, la fraîcheur de Macron. Dans Elle et nous – Merkel : un o
Elle a choisi sa veste rose. Elle est maquillée davantage qu’à l’accoutumée et pomponnée avec plus d’attention qu’elle ne l’avait fait pour Nicolas Sarkozy et François Hollande lors des cérémonies équivalentes. Ce lundi 15 mai 2017, Angela Merkel reçoit le nouveau président de la République française, Emmanuel Macron. L’investiture a eu lieu la veille et, conformément aux politesses d’usage entre la France et l’Allemagne, il consacre sa première visite d’État à la chancelière. Elle lui a réservé un subtil traitement de faveur car ce chef d’État n’est pas comme les autres – jeune, beau, brillant, solitaire, sans parti, sans histoire, sans usures, marié depuis vingt ans à une femme de vingt- quatre ans son aînée. Une femme de l’âge... de la dirigeante allemande. Ce dernier détail fascine Angela Merkel. Dans le monde totalitaire de sa jeunesse à l’Est, toute différence était mal vue et réprimée. Il fallait penser comme tout le monde, se comporter comme tout le monde, ne pas se faire remarquer sous peine d’en payer le prix. Elle en a gardé une admiration pour ceux qui assument leur différence. Le courage qu’a eu ce jeune homme de se distinguer du conformisme bourgeois la touche particulièrement. « Sa vie témoigne de quelqu’un qui sait ce qu’il veut et qui a des principes », a- t- elle confié à son entourage.
Elle qui exprime des sentiments exaltés très exceptionnellement, et uniquement devant un match de la Mannschaft, s’est presque laissée aller à l’enthousiasme en commentant la victoire d’Emmanuel Macron. Elle était parfaitement inattendue à la chancellerie, comme lui à l’Élysée. Elle tient à distance les journalistes, comme il s’est mis à le faire en opposition au tropplein dont François Hollande a fait usage. Elle a acquis une habitude à diriger une grande coalition, lui a réussi à semer la pagaille avec son « ni droite ni gauche » et son gouvernement hybride. Son tic verbal à lui, le fameux « et en même temps », est un écho au sien à elle : « Il n’y a pas de solution simple », répète- t- elle à tout bout de champ, ce qui a le don d’énerver les parlementaires. Macron-Merkel ou le radical- centrisme. Deux ovnis politiques.
Tous deux se connaissaient déjà du temps où il était secrétaire général adjoint de l’Élysée auprès de François Hollande, et il l’avait impressionnée. Sur le canapé, dans le grand bureau de la chancelière, il lui a exposé sa politique comme une évidence logique : « En France, la gauche et la droite sont crispées. J’ai essayé, comme conseiller, de moderniser le pays, mais à gauche comme à droite, on ne peut pas faire de réformes. La seule possibilité pour changer est de constituer une dynamique au centre. » Il prêchait une convertie. Elle a affiché une mine sombre pendant le suspense du premier tour lorsque les sondages donnaient quatre candidats à égalité, dont deux extrémistes anti- européens, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. La victoire finale de l’un de ces deux-là, qui rivalisent de haine pour l’Allemagne et ne cessent de fustiger une France qu’ils disent à sa botte, aurait été la fin de l’Union européenne. La balle n’est pas passée loin.
Macron s’est fait élire bizarrement sur un programme idéologique à contresens des tendances françaises : un centrisme social-libéral réformateur et ultra- européen. Tout ce que l’Allemagne adore, tout ce qu’elle désespérait de voir advenir dans cette France conservatrice coincée entre l’identitarisme de droite et l’égalitarisme de gauche, où « libéral » et « européen » sont des gros mots, où le centrisme est méprisé comme un lâche consensus et où l’on préfère à la réforme soit la révolution soit le rien- du- tout. Il est le premier président