Vanity Fair (France)

C’EST (ENCORE !) LA RENTRÉE LITTÉRAIRE

Pour exister dans le déluge saisonnier de parutions, les acteurs de l’édition doivent rivaliser d’imaginatio­n.

- EMILY BARNETT

Chaque année, c’est le même casse- tête pour les éditeurs et les écrivains : comment réussir à se faire remarquer au milieu des centaines de livres publiés en même temps ? Soit, en cette rentrée littéraire, 581 romans, mêlant têtes d’affiche et plumes prometteus­es encore dotées de patronymes inconnus. , qui signe un premier roman au

Anne-Sophie Monglon Mercure de France, Une fille, au bois dormant, se lamente : « On se heurte à un si grand nombre de textes que les chances sont maigres d’être lue. Je suis obligée de faire confiance à ma bonne étoile. »

Avec un tirage de départ estimé à 1 000 ou 2 000 copies, les primo-romanciers (81 cette année) ne pèsent pas lourds face à une : son vingt- sixième titre, Frappe-toi le

Amélie Nothomb coeur (Albin Michel), a été, comme les précédents, imprimé à 200 000 exemplaire­s. Ne pas en déduire que la bestselleu­se aborde tranquille­ment chaque parution annuelle : « C’est une période d’angoisse épouvantab­le jumelée à une excitation merveilleu­se, confie- t- elle. On se dit que quelque chose d’énorme va se passer, il y a une part de délire. » Cette fébrilité l’a conduite, depuis quelques années, à assurer elle-même sa promotion : dans un bureau « qui ressemble à celui de Gaston Lagaffe », elle rédige chaque semaine une centaine de lettres en réponse à ses lecteurs. Un rituel que son attachée de presse depuis vingt- cinq ans, Florence Godfernaux, résume ainsi : « Quand on est un écrivain à succès, on a tout à perdre. Il ne faut rien lâcher. »

La rentrée littéraire peut être, à l’inverse, synonyme de coup éditorial pour les éditeurs modestes qui ne figurent pas parmi les grandes maisons. Cela pourrait être le cas d’Inculte qui vient de publier Jérusalem, le premier roman écrit par une star de la bande dessinée, . Un texte a priori

Alan Moore invendable, deux fois plus long que Guerre et Paix. Mais pas pour son éditeur, Jérôme Schmidt : « Il y a un storytelll­ing incroyable autour de cet ogre littéraire capable de raconter l’histoire de l’humanité sans bouger de son salon. Moore n’est pas seulement l’auteur culte de Watchmen et de V pour Vendetta, il est aussi ce romancier immense qui pourrait nous permettre de grandir et d’exister plus fortement dans la sphère éditoriale. »

Jérusalem paraît en France sous une élégante couverture – réalisée par le graphiste –, avec un soin particu

Rémi Pépin lier apporté au « pack éditorial » pourvu d’un coffret collector. En effet, il ne faut pas négliger l’aspect purement esthétique : un livre, c’est aussi un objet qu’on a envie ou non d’acheter. Un objet « qui doit appeler le regard », souligne Jean-François Paga, directeur artistique chez Grasset. Depuis cinq ans, il photograph­ie les écrivains maison, révélant leur trombine sur un bandeau qui orne les livres en librairie : « Dans une rentrée littéraire, si on n’ajoute pas un élément visuel fort en couverture, on reste invisible », reconnait-il. Une manie qui s’est étendue aux fameux blurb, ces citations dithyrambi­ques habillant les livres. Reste qu’il demeure toujours une immense part d’arbitraire, et qu’un outsider chanceux peut attirer toute la lumière à lui sans aucune stratégie préalable. — Frappe- toi le coeur d’Amélie Nothomb, en librairies le 24 août ; Jérusalem d’Alan Moore, le 30 août ; Une fille, au bois dormant d’Anne- Sophie Monglon, le 31 août.

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