Vanity Fair (France)

Le frère e‚acé des soeurs Brontë.

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Peu d’endroits procurent une impression aussi âpre de vide et d’isolement. L’ancien presbytère de Haworth, au coeur du Yorkshire est un vieil édifice constellé de tombes. Les collines alentour s’étalent à perte de vue. Des poules et des corneilles circulent, indifféren­tes, entre les stèles. Ignorant le printemps, le ciel menace de s’effondrer. Quand soudain, un minibus fend la grisaille et se gare devant l’entrée. Des touristes japonais. Comme nous, ils viennent visiter l’antre des soeurs Brontë, ces trois romancière­s disparues prématurém­ent en laissant derrière elles sept magnifique­s romans, dont les Hauts de Hurlevent et Jane Eyre. Au Japon, Les Hauts de Hurlevent fait l’objet d’un culte. Certains membres de cette équipée feront la visite en se cramponnan­t à leur exemplaire du livre d’Emily Brontë.

Les Japonais ne sont pas les seuls à vouer une adoration aux trois soeurs : la chanteuse Kate Bush s’en est inspirée pour sa chanson Wuthering Heights et, de Buñuel à Rivette, de nombreux cinéastes ont adapté leurs oeuvres. En tout, une trentaine de films tirés de leur univers en font les romancière­s les plus adaptées en Grande- Bretagne après Shakespear­e, Agatha Christie et Conan Doyle. Dernière production en date, la série To Walk Invisible, qui reconstitu­e le quotidien de la famille dans les années 1840, cartonne sur la BBC depuis un an.

Dans cette région sauvage de l’Angleterre, à trois heures en train de Londres, on se sent transporté dans le décor des Hauts de Hurlevent : la lande qui enserre la maison semble hantée de fantômes. Même si le vent écorchait leur peau, même si l’orage grondait, Charlotte, Emily et Anne s’y promenaien­t chaque jour. Mais Haworth, où le pasteur Patrick Brontë s’est installé en avril 1820 avec ses six enfants et son épouse, offrait- elle d’autres distractio­ns ? D’autant qu’une chape de tristesse s’abat sur la famille en 1821 lorsque la mère succombe à une tuberculos­e, suivie par ses deux filles aînées, victimes du même mal. Restent alors Charlotte, 9 ans, Emily et Anne, 7 et 5 ans, et leur frère, Branwell, né un an après l’aînée. Ensemble, les orphelins inventent des mondes imaginaire­s pour tromper l’ennui : Angria et Gondal, deux royaumes fictifs où fleurissen­t les aventures de personnage­s historique­s et littéraire­s, tirés des romans de Walter Scott. On peut encore examiner, dans une bibliothèq­ue contiguë à la maison, ces petits carnets de 7 cm sur 10 noircis d’une écriture volontaire­ment microscopi­que. « Comme ça, si un adulte

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