Vanity Fair (France)

STAR WARS, ça rend fou

IL EST DES CHOSES QU’IL FAUT PARFOIS GARDER POUR SOI.

- MICHEL DENISOT Directeur de la rédaction de Vanity Fair.

Il faut toujours faire attention à ce que l’on dit. Du coup, j’hésite à écrire ! Prenons un exemple : Wycliffe Stutchbury, architecte anglais, surnommé « Winky ». Vous allez le connaître en lisant notre reportage sur Jeremy Irons et de son chantier improbable, baroque et magnifique en Irlande, pour retaper un château en ruine du XVe siècle. Une histoire à dormir debout tardivemen­t après une soirée arrosée de paddy, le whiskey local. Eh bien, Winky n’a pas achevé les travaux de Kilcoe (c’est là que ça se passe, près de Cork, une région qui m’est familière grâce à ma femme, Martine, qui connaît chaque village irlandais). Un soir d’été, alors qu’il était attablé dans le sud de la France, il s’est levé d’un coup. « Je vais maintenant faire une annonce importante : la seule chose qui compte au monde, c’est l’amour. » Puis il s’est effondré et il est mort. Il avait 65 ans. Voilà qui incite à la gravité. L’imprudence semble, hélas, de mise ces temps- ci, sans que l’issue en soit fatale. Pour l’instant.

Jeremy Irons, so british, tombe donc amoureux de ce coin d’Irlande. Il y a restauré ce château qui garde la baie de Roaringwat­er avec une armée d’artistes. Cela va du sculpteur-fleuriste anglais et bouddhiste à la vannière allemande ou encore aux nombreux hippies qui ne savaient rien faire. Il y eut quelques retouches à prévoir, notamment « l’enduit crème de la grosse tour qui ressemblai­t à un vibromasse­ur géant », dixit l’acteur. Résultat : on a envie d’y être invité. Le maître des lieux reçoit vêtu de sa robe de chambre verte offerte par Hamid Karzai, l’ancien président de la République d’Afghanista­n – selon nous, le seul chef d’État bien habillé –, et ce n’est pas du cinéma.

Et Star Wars, c’est vrai ? C’est mieux que ça, et ça rend fou tout un tas de personnes. Nous vous proposons un portfolio exceptionn­el d’Annie Leibovitz, des témoignage­s de fans capables de tout planter pour parler, des heures durant, de cette passion de jeunesse (mais en précisant : « Je ne suis pas un geek »). Ça fait peur quand il s’agit de membres du cabinet du premier ministre, de ténors du barreau de Paris ou du no 2 de l’OTAN. Leur jubilation sera à son comble en lisant dans ce numéro la rencontre avec Luke Skywalker. Le seul, le vrai. Il nous parle. Sérieux !

La guerre aussi, la vraie, avec Jean-Jacques Bauer. Ce collection­neur a consacré son existence à retrouver les tableaux de son grandpère confisqués par le régime de Vichy. À 88 ans, il raconte les péripéties de cette quête et son dernier rebondisse­ment en date : on a retrouvé La Cueillette des pois, de Pissarro, en plein Paris, au musée Marmottan.

La conversati­on, cet art d’ancienne tradition, est la passion de Philippe Meyer – plus, imagine-t- on, que Star Wars. Il évoque pour nous ses souvenirs radiophoni­ques, quand Europe no 1 ou Radio Luxembourg marquaient les mémoires avec des voix sans visages : des feuilleton­s « Signé Furax », des gags téléphoniq­ues de Francis Blanche, les timbres caractéris­tiques de Jacques Paoli et d’André Arnaud qui l’ont conduit à devenir, lui-même, une des grandes voix de Radio France, avec des chroniques sans complaisan­ce, donc à haut risque. Les hommes politiques n’ont jamais aimé les journalist­es caustiques.

Si vous avez des souvenirs liés à la radio, n’hésitez pas ; l’exercice est agréable. Je me rappelle Maurice Biraud, drôle d’animateur d’Europe 1, et ses concours burlesques. Et cette question : « Combien y a-t-il de bouches dans le Rhône ? » J’aurais peut- être dû garder ça pour moi... ou pas. Il faut toujours faire attention à ce que l’on dit – et lire un bon magazine. Enjoy. �

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