Vanity Fair (France)

MARK HAMILL : JE SUIS MOI MÊME UN FAN

En quelques minutes de cabotinage muet à la fin du Réveil de la Force, le personnage du naïf Luke Skywalker a pris une profondeur inédite. Pour comprendre la métamorpho­se, TOMA CLARAC a rencontré l’acteur et a découvert un ado toujours émerveillé d’être l

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Dans ses Notes sur Bergson et la philosophi­e bergsonien­ne, Charles Péguy écrivait : « C’est le propre du génie que de procéder par les idées les plus simples. » Si l’on prend au mot l’essayiste préféré d’Alain Finkielkra­ut, on peut raisonnabl­ement douter du génie de Mark Hamill.

L’interprète du Jedi Luke Skywalker, jamais en reste pour proposer sa version de la suite de la trilogie originelle de Star Wars (épisodes IV, V et VI), a suggéré un jour à Rian Johnson, réalisateu­r des Derniers Jedi (VIII), d’affubler son personnage d’un jumeau maléŒque. En lisant la nouvelle sur le Web, je me suis dit qu’il plaisantai­t, qu’à 65 ans, Hamill avait passé l’âge de jouer à La Guerre des étoiles. J’avais tort. L’acteur se montre d’un sérieux à toute épreuve quand j’aborde le sujet avec lui à Londres dans un palace au baroque edwardien : « J’avais eu vent d’un bout d’histoire où ils avaient cloné Luke à partir de sa main tranchée [par son père, le légendaire Dark Vador]. Et je me suis dit : “Quelle bonne idée !” parce que le public ne saurait pas que c’est le mauvais Luke. » Et de fait, comment le deviner ? « Il commencera­it à agir en douce, poursuit Hamill, saboterait les plans de la résistance et pourrait même supprimer un des personnage­s principaux avant que le vrai Luke ne vienne s’en mêler, bien sûr. » Bien sûr, l’issue est prévisible : « Mon idée a été rejetée. » Et l’acteur de préciser : « Ils m’ont dit que ça avait été fait dans un roman de Timothy Zahn du début des années 1990 – je ne me souviens plus du titre – et qu’ils ne voulaient pas reprendre un truc déjà vu avant dans l’univers Star Wars. » D’après Hamill, dans la nébuleuse Croisade noire du Jedi fou, Luke est marié avec une dénommée Mara Jade et c’est elle qui tue le jumeau maléŒque. « Je ne le savais pas, c’est mon Œls qui a lu le livre. Il connaît tout sur Star Wars. Il en connaît bien plus que moi. » S’il n’a pu assouvir « le rêve de tout acteur » en jouant des jumeaux, Hamill n’a pas l’air traumatisé : « De toute façon ce n’était pas possible, le Œlm aurait été trop centré sur moi et pas assez sur les nouveaux personnage­s. »

Pour comprendre un tant soit peu qui est Mark Hamill, cette histoire passableme­nt horrible de clone n’est pas anecdotiqu­e. Imagine- t- on un instant l’intrépide Harrison Ford plancher sur l’avenir de Han Solo entre deux atterrissa­ges ratés ? Contrairem­ent à son beau-frère (Han Solo est l’amoureux de la princesse Leia, la soeur de Luke), Hamill n’a pas proŒté du succès planétaire de la saga pour lancer sa carrière. En dehors des trois épisodes originaux (IV, V et VI), sa Œlmographie se limite à quelques rôles assez logiquemen­t oubliés – à l’exception d’un Œlm de guerre de Samuel Fuller (Au- delà de la gloire, 1980) et d’un autre d’horreur signé John Carpenter (Le Village des damnés, 1995). Un de ses principaux boulots depuis la sortie du Retour du Jedi (VI) en 1983 a été de doubler le Joker dans la version animée de Batman. Luimême reconnaît sans peine sa dépendance à Skywalker. « On peut résister à l’évidence et être malheureux ou l’accepter et l’assumer pour tout ce que l’aventure nous a apporté, conŒe-t-il modestemen­t. Carrie l’avait réalisé bien avant moi. Il y a dix ans déjà, elle disait “Leia, c’est moi !”³» Disparue au printemps 2017, la soeur Œctive de Hamill avait été la première à se réjouir d’une nouvelle trilogie Star Wars à l’époque où l’hypothèse prenait corps : « Quand George [Lucas] nous avait réunis, j’étais resté de marbre, genre

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