Vanity Fair (France)

Qui n’a jamais envoyé un message avec un mot à la place d’un autre à cause de ce satané logiciel ? Son inventeur, le programmeu­r KEN KOCIENDA, demande ici pardon.

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’ai une confection à vous faire. Grrr ! Non, je ne veux pas vous coudre une robe. Je recommence : j’ai une confession à vous faire. Pendant de longues années, j’ai été programmeu­r chez Apple et là, j’ai créé le programme de correction orthograph­ique du premier Iphone.

Je suis bière de ce que j’ai frais... hum... je suis fier de ce que j’ai fait : inventer la saisie de texte assistée par ordinateur sur votre téléphone. Après tout, si l’Iphone ne disposait d’un clavier logiciel, Apple n’aurait pas pu concrétise­r la vision de Steve Jobs : un smartphone révolution­naire à écran tactile avec le moins de boutons possible. Il fallait absolument que le clavier s’efface dès que c’était nécessaire pour ménager toute la place aux applicatio­ns. L’Iphone a réussi cet exploit, même si, je le reconnais, son système d’autocorrec­tion présente quelques limites. Qui, aujourd’hui, n’a pas une ou deux histoires de mots corrigés en dépit du bon sens ? Mais plus ces récits sont amusants, plus ils ont de chances d’avoir été inventés de toutes pièces. À vrai dire, je suis beaucoup moins fier d’avoir, involontai­rement, créé une nouvelle catégorie de blagues à base de smartphone­s qui se trompent.

Vous la connaissez, cellelà ? Une femme envoie un texto avec une photo d’elle en train d’essayer une nouvelle tenue. Elle demande à son mari : « J’ai l’air grosse avec cette robe ? » L’homme sait qu’il doit avancer avec prudence sur ce genre de sujet, mais pas ses pouces. Et au lieu de répondre le « mais non » attendu, il envoie un « meuh non » bien vachard. Que s’estil passé ? L’énormité vient de la combinaiso­n tragicomiq­ue de lettres proches sur le clavier, d’une recherche dans le dictionnai­re du téléphone qui valide le meuglement comme un mot existant bel et bien et de l’incapacité de l’algorithme à intégrer les nuances simples (mais périlleuse­s) d’un tel échange – « Attends, ma chérie, je ne voulais pas dire ça ! », etc. Nous trouvons ça amusant parce que nous comprenons une erreur que la machine ne perçoit pas le moins du monde. Nous avons tous envoyé un texte corrigé automatiqu­ement de façon imprévue. Utiliser un smartphone, c’est accepter son ergonomie et sa logique conçue pour de petits claviers tactiles.

Lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet Purple – le nom de code de ce qui est devenu ensuite l’Iphone – à la fin 2005, nous ne savions même pas si le fait de taper du texte sur

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