Loulou, y es-tu ?
On se presse de plus en plus sur sa terrasse. Le restaurant du musée des arts décoratifs est devenu un point névralgique et gourmand de Paris.
Parfois, un plat auquel on ne croit pas forcément finit par s’imposer. C’est le cas des pâtes au pesto de pistaches, un des must de la carte de Loulou, le restaurant du musée des arts décoratifs. Sa terrasse cachée derrière les buissons du jardin des Tuileries est l’une des plus belles de Paris. Cet été, le défilé du label parisien Society Room y réunissait le Tout-Paris cool et branché, mais on y croise aussi d’ordinaire, outre les oiseaux de la mode, un artiste contemporain à lunettes noires, des poids lourds de la finance, quelques légendes du cinéma attablées devant les fameuses pâtes aux pistaches, une salade de poulpe, les indémodables artichauts ou le vitello tonnato tranché, aussi fin que de la dentelle.
Loulou ? C’est eux, Claire et Gilles Malafosse, arrière-petits- fils d’Auvergnats montés à Paris et dont le grandpère, paraît-il, créa la première compagnie de taxi durant la Première Guerre mondiale, tandis que les parents firent d’une ancienne gare Le Flandrin, une adresse cotée de l’Ouest parisien.
Aujourd’hui, des berlines club affaire déposent leur clientèle chic côté caroussel du Louvre ou rue de Rivoli, dans un ballet feutré qui ne laisse rien présager du labeur des douze cuisiniers oeuvrant dans le
restaurant de ce quadra barbu en costume croisé et de cette brune à la silhouette de mannequin, un temps avocate au Canada avant de rejoindre l’entreprise familiale.
« On veut maîtriser le scénario, qui n’est jamais vraiment le même, d’un soir à l’autre, du déjeuner au dîner », explique Claire. Un film ? Un théâtre ? « Plutôt une association », soutient Gilles, inspiré par les tandems hôtelier- designer qui ont marqué le milieu, tels Thierry Costes et Jacques Garcia ou André Balazs et les garçons du studio KO.
L’autre maître des lieux, c’est l’architecte Joseph Dirand, le roi du cube de marbre et de l’appartement noir et blanc, avec qui Gilles s’était une première fois associé pour créer Monsieur Bleu, au dos du palais de Tokyo. « On a essayé d’être un peu rock, mais on a fini par se rendre compte qu’on est assez classiques, qu’on aime revendiquer l’héritage », explique Gilles devant un bar servi entier dans un plat en argent. À un jet de pierre du
Louvre et cerné par le Musée des arts décoratifs, Loulou multiplie donc les clins d’oeil arty, mais, n sotto voce, qu’il s’agisse des lustres de Philippe Anthonioz (bras droit de Diego Giacometti), des chaises Saarinen, des bouts de canapés frappés d’un coquillage ou des allusions brancusiennes sur fond de moquette léopard à l’étage. Design, mais pas trop, parlant aux initiés sans décontenancer le néophyte, Loulou cultive une sorte d’entresoi sophistiqué, à l’abri de l’agitation du monde. Pas de musique à midi ; le soir, elle est modulée en fonction de l’ambiance, de la clientèle, curieux mélange d’anonymes et de célébrités, de grands-mères chic et de jeunes loups de la hype, qui se réinvente à chaque service. Le tout à rebours de toutes les tendances star- system de la food : ici, pas de « place pour un ego de chef qui cannibalise tout. On prépare de bons produits, de saison, bien dressés, savoureux, mais sans trop en faire ».
Benoît Dargère, ex de l’Arpège (où il a affiné son sens du produit), du Flandrin (au côté de Malafosse père) et des cuisines de Matignon est l’homme clé qui veille au ballet des fournisseurs, des chefs, aux notices de chaque plat, à la vaisselle, aux couverts et autres détails qui font l’âme du lieu. Une organisation « rigoureuse » puisqu’on sert ici plusieurs centaines de couverts par jour, avec une qualité semblable mais jamais trop standardisée, « pour que tout soit à peu près pareil », mais pas copier- coller. Une recette du succès déclinée cet été à SaintTropez et cette saison à Val- d’Isère. Jamais deux sans trois. �