Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’heure Juppé?

- Par DENIS JEAMBAR

Toutes les élections présidenti­elles ont réservé des surprises mais aucune d’entre elles jusque-là ne s’était transformé­e en drame politique. Or c’est bien ce qui se déroule sous nos yeux depuis plusieurs semaines avec la candidatur­e Fillon. Jour après jour, nous voyons cet homme se battre et peu à peu sombrer, incapable de se poser et de comprendre que son attitude n’engage pas que lui. C’est aussi le destin de sa famille politique qui est en cause, sans parler de la vie quotidienn­e de sa famille tout court. De toute évidence, sans doute convaincu de ne pas mériter cet acharnemen­t, il n’analyse plus les conséquenc­es de son obstinatio­n. Il résiste sans mesurer que le courage qu’il revendique devient fuite en avant. Comme s’il n’avait plus que le suffrage populaire pour se sauver de lui-même. Ira-t-il jusqu’au bout alors que les départs autour de lui deviennent hémorragie ? Ce sont des bataillons entiers qui le quittent. Y compris des fidèles. Sans doute allons-nous voir maintenant de grands barons régionaux républicai­ns se détourner de lui, convaincus qu’avec lui non seulement la défaite présidenti­elle est certaine mais qu’en se maintenant François Fillon compromet l’avenir même de la droite. Tout le pousse à se désister mais, pour l’heure, il s’accroche à l’espoir d’un dimanche de soutien populaire massif. Pari risqué que ce rassemblem­ent de demain, qui provoque déjà un contre-rassemblem­ent et peut dégénérer en désordre public. C’est cette décision, d’ailleurs, qui accélère les défaillanc­es autour de lui et le mouvement en faveur d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux voudrait reprendre le flambeau après un renoncemen­t officiel de François Fillon. On le comprend. Il n’entend pas porter le poignard car il a vécu, lui aussi, des heures douloureus­es dans le passé et peut imaginer ce qui se passe dans la tête d’un homme abandonné et vilipendé. Il a besoin aussi d’un puissant mouvement pour le porter au combat, notamment d’un accord de Nicolas Sarkozy, installé dans le rôle du parrain dont le feu vert est nécessaire. Des questions techniques non négligeabl­es s’imposent aussi. Pas sur le programme : Juppé en a un tout prêt depuis les primaires. Il peut également obtenir très vite les signatures nécessaire­s grâce à l’appareil du parti Les Républicai­ns. Récupérer les fonds de la primaire sera plus complexe. Six millions sur les , millions rassemblés ont déjà été versés à François Fillon. Le  mars prochain la Haute Autorité de la primaire se réunira en assemblée générale pour prononcer la liquidatio­n de ses comptes et verser les , millions qu’elle gère encore. À qui les attribuer si François Fillon ne s’est pas désisté ? Une complexité de plus dans une candidatur­e Juppé suspendue en vérité à l’état psychologi­que d’un homme qui a cru atteindre le Graal élyséen et voit tout s’effondrer autour de lui. Oui, un drame.

« Alain Juppé n’entend pas porter le poignard car il a vécu, lui aussi, des heures douloureus­es dans le passé et peut imaginer ce qui se passe dans la tête d’un homme abandonné et vilipendé. »

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