Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
À Six-Fours:
À Six-Fours-les-Plages, la Franco-allemande Marga Wolf-Gentile s’inquiète de la radicalisation des votes et en appelle à la mobilisation de la jeunesse pour s’élever contre le repli sur soi
«Ce n’est pas en érigeant des murs que l’on pourra se sauver»
« J’ai vécu une époque où on a eu un gouvernement qui a “fait perdre l’honneur à l’Allemagne” comme mon père disait. Et je savais aussi qu’il ne fallait surtout pas que j’en parle à mes copains... » car outre-Rhin après-guerre, tous ne partageaient pas cet avis. Née en 1935 en RhénanieWestphalie, « une région protestante, relativement libre », Marga a gagné la nationalité française par son mariage avec un médecin français. Depuis 1972, cette enseignante aujourd’hui retraitée habite Six-Fours, quartier des Lônes. Femme de caractère, résolument engagée, Marga a même été conseillère municipale du temps du premier mandat de Jean-Sébastien Vialatte. «Écolo» et fière de l’être, « je me suis battue contre le tout béton!», elle adhère au « Cap 21 » de l’exministre de l’Écologie Corinne Lepage. De la guerre, elle a gardé en mémoire les bombardements et, « quand je vois Alep aujourd’hui, je revois ma ville sous les bombes... » Ces fantômes du passé, elle les redoute lorsqu’elle oppose la France d’aujourd’hui à l’Allemagne d’alors : « C’était une époque terrible, le chômage était très haut, les gens se sentaient humiliés... Un peu comme partout où les gouvernements totalitaires arrivent au pouvoir. Pourquoi Poutine, Erdogan sont au pouvoir d’après vous ? » La campagne présidentielle ne fait qu’ajouter à son inquiétude : elle voit le repli sur soi se dessiner, la peur. « Vous me direz, Marine Le Pen c’est pas Hitler (Elle souffle)... Mais regardez avec Erdogan... », ajoute-telle. Prévenir du danger, c’est sans doute ce qui anime cette Européenne convaincue, portée par cette « ouverture sur les autres et sur le monde à laquelle j’assiste à chaque fois que je vais en Allemagne ». D’ailleurs, « une Europe avec des frontières fermées, je ne peux pas y croire ».
«Jemesens responsable »
Alors, à cette jeunesse 2.0, Marga a envie de crier toute l’importance de leur vote : « Avec ce que j’ai vécu en Allemagne, je me sens responsable de livrer ce témoignage. C’est une autre époque, il ne faut pas paniquer bien sûr... Mais à la façon dont je sens les gens maintenant, cette hostilité envers les autres, ce repli, oui, ça me fait peur. Et ce n’est pas seulement en France, c’est toute l’Europe qui est menacée alors qu’après-guerre, c’est l’Europe qui nous a aidés à nous en sortir... Nous sommes à un moment crucial dans l’histoire de notre pays, dit-elle. Et j’ai l’impression que l’on oublie la valeur d’un État démocratique. » C’est d’ailleurs pour cela qu’elle votera très certainement pour Emmanuel Macron. Pas seulement parce que Corinne Lepage l’a rallié, mais aussi parce qu’il lui semble le plus en mesure de faire barrage à la radicalisation de l’électorat. Elle se définit comme n’étant « ni de droite, ni de gauche », dénonce d’ailleurs ce « clivage » qui empêche la France d’avancer. Elle trouve aussi en Benoît Hamon quelques nobles idées, « le revenu universel, c’est une idée d’avenir. La taxe sur les robots, la transition énergétique. Mais ce n’est pas encore assez mûr... » Dans cinq ans peutêtre.
‘‘ Vous me direz, Marine Le Pen c’est pas Hitler...”