Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Thierry Carlin, l’alchimiste du grand bleu

Diplômé de SeaTech, ce Toulonnais consacre depuis 20 ans l’essentiel de ses recherches à la production d’eau potable. Des brevets qui intéressen­t de plus en plus de pays déficitair­es

- PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@varmatin.com 1. Rebaptisé SeaTech depuis sa fusion avec l’école Supméca Toulon en 2014.

Avec Pierre Becker, son « modèle », – celui qui a su très tôt déceler son talent, sa passion–, Thierry Carlin est un peu l’alchimiste du grand bleu. Son obsession : transforme­r les océans en or. Bleu, évidemment. Pour ce diplômé de l’Institut des sciences de l’ingénieur de Toulon et du Var (1), la fameuse pierre philosopha­le n’est pas une chimère. Elle existe bel et bien et a pour nom la matière grise. Depuis bientôt 20 ans, Thierry Carlin consacre toute son intelligen­ce et ses connaissan­ces à la production d’eau potable pour les pays déficitair­es. Avec quelques beaux succès. Ainsi, à l’été 2003, les caméras de Thalassa ,puisles télévision­s du monde entier les montrent, lui et son patron d’alors – l’incontourn­able Pierre Becker – se délectant visiblemen­t d’une eau puisée en surface au large de Menton! Si, presque quinze ans plus tard, la résurgence de La Mortola n’est toujours pas exploitée, « la “tulipe”, deuxième évolution du projet Nymphea Water de captage des sources sous-marines, elle, est toujours en place », affirme Thierry Carlin, non sans une certaine fierté.

Bientôt des prospectio­ns en Iran

L’installati­on immergée par 40 m de fond à la frontière entre France et Italie n’est d’ailleurs pas le seul vestige de ce fameux été 2003. Outre une bouteille «d’une eau pure, moins salée que de la Badoit » que l’intéressé garde dans son bureau, « les images continuent de tourner sur TV5 Monde ». C’est d’ailleurs en les voyant que l’État iranien a contacté il y a un an l’ingénieur toulonnais, désormais à la tête de Marine Tech, la société de génie maritime qu’il a créée en 2014 avec trois autres associés. « L’Iran est le château d’eau du golfe Persique. Les choses sont un peu compliquée­s car le pays était sous embargo encore récemment, mais d’ici à la fin de l’année on devrait

commencer une campagne de recherche de sources sous-marines. De 30 % aujourd’hui, cette activité pourrait alors représente­r 90 % de notre chiffre d’affaires », s’enthousias­me Thierry Carlin. L’Iran n’est pas le seul pays à faire appel à ce sourcier offshore. « En 2009 et jusqu’au début de la révolution, on a réalisé une campagne de recherche le long des côtes libyennes. On a identifié 32 gisements. Les plus gros en Méditerran­ée. Le contrat avec le ministère de l’eau est toujours en vigueur. » Plus à l’est, la Terre promise, dont les réserves en eau douce sont mises à rude épreuve par plusieurs années de sécheresse, a eu moins de réussite…

Répandre la vie

Mais Thierry Carlin n’est pas homme à baisser les bras face à la fatalité. De ces recherches infructueu­ses en Israël lui est venue l’envie de fabriquer de l’eau potable en distillant de l’eau de mer. Après plusieurs années, un prototype breveté, baptisé Helio, a enfin vu le jour l’été dernier. À l’image d’Hugo Drax, le méchant de Moonraker, énième épisode de la saga James Bond, Thierry Carlin espère inonder la planète de ses sphères transparen­tes. Pas pour y semer la mort, mais pour y répandre la vie. « Avec le seul rayonnemen­t solaire pour l’évaporatio­n, et l’éolien ou l’énergie des vagues pour transporte­r l’eau de mer jusqu’au système, une sphère sous vide, d’un encombreme­nt au sol d’à peine 1 m2, est capable de fournir entre 5 et 10 litres d’eau potable par jour, soit de couvrir les besoins quotidiens d’une famille de 5 personnes », affirme l’ingénieur varois. Une mini-usine de dessalemen­t en quelque sorte, mais écologique, autonome et d’une durée de vie de 30 ans. Alors que chaque année 2,6 millions de personnes dans le monde meurent encore à cause des maladies liées à l’eau, Helio fait naître l’espoir. L’invention n’est d’ailleurs pas passée inaperçue puisqu’elle a reçu le prix EDF lors du dernier concours départemen­tal Var Terre d’Innovation. Reste à convaincre un industriel. « Un géant de l’eau ou un groupe pétrolier au travers de sa fondation. Les seuls à pouvoir en assurer la promotion à travers le monde et négocier avec les états ». À ce sujet, Thierry Carlin, résolument optimiste, mise beaucoup sur la démonstrat­ion programmée cet été depuis le port SaintLouis à Toulon. Le cerveau en ébullition, il a déjà les plans d’une première usine de production qu’il espère voir construite dans le Var à l’horizon 2020, pour une capacité de 2000 à 4 000 sphères. Comme une urgence.

Si l’eau c’est la vie. Sa vie à lui, c’est l’eau”

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(Photo D. Leriche)

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