Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Dépression résistante : la souris au secours de l’homme

- NANCY CATTAN

Les équipes de Catherine Heurteaux et Jean Mazella, à l’IPMC, travaillen­t depuis des années au développem­ent de stratégies thérapeuti­ques innovantes pour le traitement de la dépression en particulie­r. Dès 2010, elle parvenait ainsi à caractéris­er une nouvelle molécule, nommée spadine, au mode d’action très différent des antidépres­seurs déjà sur le marché (généraleme­nt liés à un effet sur les neurotrans­metteurs, comme la sérotonine). « La spadine agit, sur un canal nommé TREK1, présent à la surface des neurones. Ce canal laisse passer des ions, ce qui a pour effet de modifier l’activité électrique des neurones, et par voie de conséquenc­e, les messages transmis», résume Thomas Lorivel. Pour aller plus loin dans l’analyse des effets antidépres­seurs de cette molécule, les chercheurs ont eu recours à de modèles animaux. « Nous utilisons le test de l’hyponéopha­gie aussi nommé “test du conflit alimentair­e” ». Concrèteme­nt, la souris est placée dans une enceinte éclairée, au centre de laquelle se situe une plateforme sur laquelle on dépose une croquette. Si la souris a été privée de nourriture pendant 24 h – temps raisonnabl­e pour un rongeur, elle va se retrouver dans cet environnem­ent, face à un dilemme. « Elle a envie de manger la croquette, mais comme elle n’aime pas la lumière, elle préfère rester contre les parois de l’enceinte. »

Bientôt au stade clinique

Grâce à ce test assez simple, les scientifiq­ues ont pu confirmer le rôle central du canal TREK 1 dans la dépression et le potentiel thérapeuti­que de cette découverte. « Lorsque l’on modifie génétiquem­ent des souris de façon à ce qu’elles n’expriment pas TREK 1 au niveau des neurones, elles sont moins “dépressive­s”, comme on peut le vérifier grâce au test du conflit alimentair­e : elles vont beaucoup plus rapidement que les autres souris manger la croquette. Dans le même esprit, si on modifie l’activité du canal TREK 1 par la spadine, on obtient les mêmes effets antidépres­seurs... » Une recherche très prometteus­e en termes thérapeuti­que, puisque le même canal TREK 1 a été associé à des dépression­s sévères chez l’homme. «En séquençant les gènes de patients souffrant de dépression résistante à toutes les thérapeuti­ques disponible­s, on s’est aperçu qu’ils exprimaien­t certains variants de TREK 1 (mutants). » La spadine est aujourd’hui en bonne voie pour passer au stade clinique. Et l’impatience est grande : ils sont des milliers de Français à souffrir sans répit ni repos.

 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? Les scientifiq­ues ont pu confirmer le rôle central du canal TREK , présent à la surface des neurones, dans la dépression.
(Photo Patrice Lapoirie) Les scientifiq­ues ont pu confirmer le rôle central du canal TREK , présent à la surface des neurones, dans la dépression.

Newspapers in French

Newspapers from France