Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Fillon : son plan pour la Défense
Avant d’y revenir aujourd’hui plus en détail, l’ancien Premier ministre, en meeting ce soir à Toulon, a présenté à notre journal ses grandes orientations sur les questions militaires
Le candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle n’est pas un novice en matière de Défense. Avant d’être le seul Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon a été membre du cabinet de Joël Le Theule, ministre de la Défense en 1980. De 1986 à 1988, il a par ailleurs présidé la commission de la Défense à l’Assemblée nationale. Attendu en meeting ce soir au Zénith de Toulon, il nous a accordé hier une interview téléphonique exclusive sur les questions militaires.
Vous placez le « totalitarisme islamique » en tête des menaces. Jugez-vous efficace l’intervention militaire de la France en Syrie, en Irak ou encore au Sahel ? Aujourd’hui, la situation internationale se dégrade très vite. Cette menace totalitaire islamique est en train de déstabiliser une très grande région du monde, qui va du Pakistan jusqu’à l’Afrique occidentale. L’intervention française au Sahel était nécessaire. Je l’ai soutenue. Elle a permis de stabiliser le Mali et de protéger cette région contre une prise de pouvoir des islamistes. Mais elle n’a pas fait disparaître la menace. Elle l’a repoussée. Malheureusement, cela veut dire qu’une présence militaire européenne sur ce théâtre d’opération va devoir rester nécessaire pendant longtemps. Pour le reste, la France participe à la coalition internationale. Nos soldats font un travail remarquable. Notamment les pilotes de l’armée de l’air ou de la Marine. Mais notre contribution est quand même marginale par rapport à l’ensemble des combats qui ont lieu.
Vous avez déclaré vouloir mettre un terme à l’opération Sentinelle. N’y a-t-il pas incohérence avec la lutte contre cette menace islamiste ? La priorité doit être à la défense du territoire. Dans ce cadre-là, il faut que l’opération Sentinelle soit pensée dans la durée. Sentinelle est une opération d’urgence pour faire face à une situation exceptionnelle. Elle ne peut pas se prolonger indéfiniment sous sa forme actuelle. Depuis quelques mois, un effort a déjà été réalisé par le gouvernement pour affecter les forces de Sentinelle à des opérations ponctuelles, plutôt qu’à des missions de garde statique. Il va falloir poursuivre cette transformation en réduisant progressivement les effectifs de Sentinelle. La vocation des militaires de l’armée de terre n’est pas de faire des gardes statiques. Ils doivent être progressivement remplacés par des forces de police et de gendarmerie. Il faut faire appel à la réserve de façon plus importante et conserver à l’armée de terre des missions opérationnelles tout en lui permettant de s’entraîner. Le Charles-de-Gaulle, qui a joué un rôle important dans l’opération Chammal, est indisponible pendant mois. Êtes-vous favorable à la construction d’un second porte-avions ? Avant toute chose, je propose de faire, dès l’été , une revue générale stratégique pour recadrer les objectifs, les programmes et les moyens financiers. À partir de cette revue stratégique des moyens affectés à la défense, je proposerai une loi de programmation militaire (LPM) début , avec un objectif de vote avant le printemps. L’idée est d’augmenter les moyens dès le budget pour atteindre les % du PIB à l’issue de la LPM en . Dans ce cadre-là, il y a plusieurs priorités importantes. Tout d’abord, la modernisation de la force de dissuasion nucléaire qui va devoir être engagée compte tenu de son âge. Et il y a le lancement des études en vue de la construction d’un porteavions qui devra en réalité, compte tenu des délais de réalisation, venir remplacer le Charles-de-Gaulle à la fin de son service. Il serait déraisonnable d’imaginer qu’en l’espace de quelques années on va pouvoir se doter d’un porte-avions.
Que vous inspirent les déclarations de Donald Trump sur l’Otan ? La nécessité de remplacer rapidement le caractère exclusif de l’Alliance atlantique par une alliance européenne. L’Europe a vocation à prendre son indépendance et à acquérir une plus grande autonomie par rapport à l’Alliance atlantique. Pourquoi ? Parce que la menace terroriste ou totalitaire islamique est une menace protéiforme qui s’approche beaucoup de notre territoire (la rive sud de la Méditerranée est particulièrement fragile) et parce qu’on ne peut pas continuer à dépendre d’une stratégie américaine qui, au ProcheOrient, a plutôt été à l’origine des problèmes que leur solution.
Vous pouvez préciser ce que serait cette alliance européenne ? C’est une alliance sur le modèle de l’alliance atlantique. C’est-à-dire que chacun conserve l’autonomie de sa défense, le commandement de ses forces. C’est le contraire d’une armée européenne à laquelle je ne crois absolument pas. Mais ce sont des accords de défense et une alliance aux termes de laquelle les différents pays qui acceptent d’y participer font un effort militaire. Cet effort se traduira par la mise à disposition de moyens logistiques, de transport, de renseignements… Ceux qui ne souhaitent pas participer directement à des opérations militaires pourront contribuer à leur financement. Enfin, cette alliance contiendra un volet industriel. C’est fondamental pour maintenir une capacité militaire industrielle européenne avec une vraie indépendance, une vraie souveraineté, capable de faire face à une compétition très forte avec les Américains.
% du PIB pour la défense en ” Améliorer la condition militaire ”
Un mot sur la condition militaire, l’une des priorités de votre projet. C’est très bien d’augmenter les moyens opérationnels des armées. Mais cet effort de modernisation de nos forces ne peut pas ne pas s’accompagner d’une réforme de la condition militaire. Les militaires font leur travail avec une conscience professionnelle remarquable. Mais leurs conditions se dégradent de plus en plus. C’est pour ça que je propose un plan pour la rénovation et la construction de logements pour les militaires. Par ailleurs, je propose d’améliorer l’accompagnement des conjoints de militaires en créant un dispositif de garde d’enfant et de places réservées en crèches, ou encore en facilitant les inscriptions scolaires et universitaires. En d’autres termes, en essayant de faire en sorte que le dévouement des personnels se traduise par une aide beaucoup plus importante. Enfin, je veux offrir des débouchés aux anciens militaires qui quittent le métier souvent de bonne heure. On ne peut pas se contenter de leur proposer une seconde carrière dans le secteur public. Il faut aussi les aider à s’intégrer dans l’économie et dans les entreprises.