Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Un ange de gardien

- LAURENT SEGUIN

Il est embêtant Gaëtan Deneuve. Pas énervant, encore moins exaspérant, mais un brin agaçant quand même. Car le gardien de buts de l’Étoile ne se contente pas de contrarier les offensives des attaquants adverses, il vous empêche aussi de dresser le portrait décalé d’une personnali­té extravagan­te. Oui, si les gardiens de but sont bien souvent des joueurs un peu fantasques, des types qui jouent au football avec leurs mains ou au handball avec leurs pieds, si, quelle que soit leur discipline, ils ne portent jamais le même maillot que leurs coéquipier­s et s’ils passent le plus clair de leur temps seuls dans leur surface de réparation à faire les cent pas, Gaëtan Deneuve est plutôt un type ordinaire et donc un gardien de but un peu à part. « Il y a toujours une part de folie chez un gardien et j’ai rencontré beaucoup de gardiens fatigués, annonce d’emblée le rempart de l’Étoile Fréjus/Saint-Raphaël. Mais je suis proche des joueurs. Je ne pense pas être un fou-fou. » Posé, calme, celui auquel l’Étoile doit beaucoup dans sa qualificat­ion pour les quarts de finale de coupe de France après une prestation de haut vol contre Auxerre (2-0) est peut-être capable de s’envoler pour stopper les ballons, mais semble aussi avoir les pieds sur terre. Le fruit sans doute d’une éducation réussie au sein d’une famille ouvrière de Seine-maritime. « C’est quelqu’un de vachement simple, raconte d’ailleurs le gardien d’Ajaccio, Steeve Elana dont il était la doublure en Ligue 1 à Brest. Avec Gaëtan, le feeling est tout de suite passé et nous sommes toujours en contact aujourd’hui. C’est un super gardien, excellent sur sa ligne et pas mauvais au pied. Il aurait mérité mieux, il aurait eu sa place en Ligue 2. » Les hasards de la vie en ont décidé autrement. Car si Gaëtan a bien joué en Ligue 2, à Châteaurou­x où il était en concurrenc­e avec un Vincent Fernandez dont il ne garde d’ailleurs pas un bon souvenir, le gardien de l’Étoile a toujours dû faire face à une rivalité quasi impossible à affronter. Et ce dès le centre de formation du Havre où il a fait ses classes avec un certain Steve Mandanda. Terre de gardiens comme il y en a peu en France, Le Havre a formé les meilleurs. « Là-bas, j’ai travaillé avec Nicolas Dehon (aujourd’hui entraîneur des gardiens au PSG). C’est le must. » Revers de la médaille, au Havre, Gaëtan sera barré par une concurrenc­e aussi infranchis­sable que les buts des gardiens qui y sont formés. « Devant moi, il y avait Steve (Mandanda), Carlos Kameni (aujourd’hui à Malaga), Nicolas Douchez (ex-Rennes et PSG)… C’était bouché, alors je suis parti à Cherbourg qui jouait en National. » Viendront ensuite Châteaurou­x, Brest, puis surtout une vilaine blessure qui l’éloignera une année pleine des terrains. Une hernie discale qui le mettra sur la touche. « Il a une force de caractère hors norme, parce qu’il est passé par de vraies galères, explique Steeve Elana. Se retrouver sans club, c’est la hantise de beaucoup de joueurs. » Pour se relancer, Gaëtan rejoindra alors l’Étoile en 2012 avec l’idée d’accrocher cette Ligue 2 pour laquelle son ami Elana le pense taillé. Mais à quinze minutes près, dans un match à ne surtout pas perdre contre le Red Star, les Varois louperont la montée à l’échelon supérieur. « Certains joueurs pleuraient dans le vestiaire, c’était très cruel, mais j’ai décidé de rester. » Fidèle à l’Étoile, Gaëtan s’y sent bien. « Je ne connaissai­s pas le Sud. Quand j’étais gamin, on ne partait pas en vacances et encore moins sur la côte. Je me sens bien ici et puis je marche à l’affect. Cette équipe, ce n’est pas une bande de potes, mais il y a beaucoup de mecs biens dans le vestiaire. » Zut, même pas un mot de travers pour un coéquipier ? Non, il n’est définitive­ment pas ce que l’on appelle un « bon client » notre Gaëtan. Mais il est tellement agréable à côtoyer qu’on ne lui en tient en aucun cas rigueur.

J’ai rencontré beaucoup de gardiens fatigués. Il y a une part de folie chez un gardien” J’ai fait toute ma formation avec Mandanda. Au Havre, il y avait aussi Douchez, Kameni…”

 ?? (Photos Adeline Lebel et Ph. A.) ??
(Photos Adeline Lebel et Ph. A.)

Newspapers in French

Newspapers from France