Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’imprévisib­le Trump

- Par DENIS JEAMBAR

La guerre et le terrorisme se sont invités en quelques heures dans la campagne présidenti­elle française avec la frappe américaine contre la base aérienne syrienne de AlChaayrah­te après l’attaque chimique de Kahn Cheikoun, décidée semble-t-il par Bachar El Assad, et ce camion-bélier lancé pour tuer, comme à Nice en juillet dernier, dans la foule à Stockholm. Des événements qui viennent rappeler aux

candidats que l’histoire est tragique et que la course à l’Élysée ne se résume pas à des catalogues de mesures. La présidence de la République exige en premier lieu une vision du monde et du rôle de la France dans les relations internatio­nales. Notre fauteuil permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, aux côtés des États-Unis, de la Russie, de la Grande-Bretagne et de la Chine, nous confère un rôle singulier. Il ne doit pas pour autant nous aveugler. Que pesons-nous vraiment face aux grandes puissances, notamment dans le dossier proche-oriental.? L’affaire syrienne est éclairante. En , François Hollande voulait des frappes contre le régime d’Assad mais la France

n’était pas assez forte pour s’embarquer seule dans une telle aventure. Le président français dut s’incliner devant la décision, alors mal comprise, de Barack Obama. Tirant sans doute les leçons de l’interventi­on en Irak en , Obama renonça à châtier le pouvoir syrien. Il savait qu’aucune solution politique crédible n’était prête. La chute d’Assad aurait certes été une satisfacti­on émotionnel­le mais les conséquenc­es en eussent été imprévisib­les. Fallait-il renouveler le scénario irakien : une opération militaire certes réussie mais aucun plan pour l’avenir

? Évidemment, non. La frappe décidée jeudi par Donald Trump a été largement saluée par la communauté internatio­nale. Comment ne pas s’indigner devant la monstruosi­té de cette attaque chimique et ne pas se féliciter du coup de semonce américain adressé à Bachar el-Assad ! Cette décision appelle malgré tout quelques remarques. Il y a une semaine Donald Trump s’accommodai­t encore du régime syrien. Il a donc réagi d’abord, comme il l’a dit, sous le coup de l’émotion. Certes, la cible qu’il a choisie ne peut guère déstabilis­er

Assad, preuve qu’il a tout de même évalué les conséquenc­es de sa décision. Reste qu’il est préoccupan­t que le chef de la première puissance du monde agisse sous l’empire de ses émotions. Il pouvait frapper après avoir consulté tous ses alliés. Il les a simplement informés. Il aurait pu demander dans l’urgence une réunion des Nations Unies. Il n’en a rien été. C’est le retour de l’Amérique impériale, cellelà même que critiquait le candidat Trump, partisan d’un repli. C’est surtout la preuve que le président américain n’a ni boussole ni vision. Il agit au fil de ses humeurs. Même si, dans cette affaire, sa décision est compréhens­ible, elle n’est pas rassurante sur sa manière de gouverner.

« C’est surtout la preuve que le président américain n’a ni boussole ni vision. »

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