Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Mourad Boudjellal tire
A
vec Mourad Boudjellal, quand on ouvre les guillemets, on ne sait jamais à quel moment les fermer... Le journaliste Arnaud Ramsay en a fait une nouvelle fois l’expérience. Après « Ma mauvaise réputation », le biographe, entre autres, de Youri Djorkaeff et David Douillet, a retrouvé le président du RCT pour un livreconfession détonant, intitulé « Un président devrait dire ça plus souvent... » et sorti hier en librairie. Fidèle à sa réputation, Mourad Boudjellal se livre sans détour au travers de quinze chapitres qui sont autant de commandements. Son arrivée dans le rugby, ses relations - tendues - avec la LNR, ses joies, ses peines mais aussi ses atomes crochus avec les politiques... Deux cent soixante-dix pages à l’image du personnage en somme : aussi attachant qu’énervant, éternellement émerveillé mais très vite blasé. « Je suis une épicerie arabe, on trouve tout, annonce-t-il à propos en préambule. Je suis le genre de personne qui change d’avis tous les jours. » Le Toulonnais utilise la langue de bois uniquement pour taper sur ses détracteurs, et caresse rarement dans le sens du poil. Certains, notamment à la Ligue, en prennent nommément pour leurs grades. Avec « Un président devrait dire ça plus souvent... », Mourad Boudjellal dézingue à tout-va. La preuve avec ces larges extraits. « Un président devrait dire ça plus souvent... » de Mourad Boudjellal. Éditions Robert Laffont. 270 pages, 19 euros.
Les « valeurs » du rugby
« J’ai une vision ambitieuse qui ne cadre pas avec notre rugby, où règne la prime à la médiocrité. Ce sont ceux qui ont mal géré leurs clubs et qui ont perdu beaucoup d’argent qui peuvent s’enorgueillir d’une belle ascension... [...] Le rugby est peuplé de gens d’une gentillesse extrême, le coeur sur la main, mais totalement incompétents dans tout ce qui touche à l’économie. Ils évoluent dans un système où le but est de se faire élire, donc leur vision est celle de la majorité. [...] Je n’aurais pas aimé connaître certains présidents pendant la guerre... Beaucoup seraient devenus chauves à la Libération ! Comment font-ils pour se regarder dans une glace alors qu’ils trichent et traitent les autres de tricheur ? [...] Je considère qu’il existe aujourd’hui davantage de valeurs dans le football que dans le rugby, où prime l’égoïsme le plus absolu. Les fameuses valeurs du rugby constituent un gros mensonge. J’y suis depuis dix ans et je les cherche encore. Dans toutes les commissions siègent des hommes corrompus moralement, qui n’ont pas la légitimité pour y être à cause
des conflits d’intérêts. »
Mayol, une forteresse
« Mayol est un stade qui plonge vers la mer. C’est une forteresse, un État dans l’État. C’est le Vatican. Et son président, le temps de son mandat, se transforme en pape... [...] Il arrive aussi, parfois, que Mayol devienne un lieu de souffrance. Une défaite à la maison est horrible à vivre. Je l’assimile au K.-O. d’un boxeur, qui se retrouve à terre, sonné. Je mets longtemps à m’en remettre. Perdre à Mayol, c’est comme rentrer chez soi et constater que l’on a dévalisé votre maison. Psychologiquement, je ne supporte pas de perdre. Je pourrais changer un titre contre une saison sans défaite à Mayol. [...] Autant le sentiment de la victoire peut se diluer et régresser en termes d’émotions, autant celui de la défaite à Mayol ne change pas. J’ai alors l’impression que le stade entier me regarde. Je me sens coupable. »
Un président... différent
« Je préfère être un président énervant et fatigant que soumis. Avec le RCT, j’ai réussi à créer une marque. Un modèle économique, aussi. [ .... ] J’ai trouvé dans le RCT ce que j’étais venu chercher : vivre des émotions fortes. C’est mon moteur. C’est pourquoi je traverse les parties avec autant de passion. Mes proches vous le confirmeront : suivre une rencontre de Toulon s’avère une douleur. Une douleur physique, profonde, intime. Lorsque je passerai la main, c’est ce qui me soulagera le plus. J’en fais des allergies, j’ai même développé du psoriasis avec la naissance de plaques sur la peau. Le rugby déclenche ce genre de réaction chez moi. [...] J’ai essayé de créer le rôle de président-manager. D’étoffer celui de président-vedette, mouvement impulsé par Max Guazzini, qui a régné dix-neuf ans à la tête du Stade Français pour décrocher cinq titres de champion de France tout en multipliant innovations et révolutions. [...] Je pioche partout, tout en revendiquant une influence majeure : Mohammed Ali. [...] Il a fait des rencontres de boxe, qui risquaient de disparaître, un show. Il a compris que, accessoirement, être en conflit avec l’adversaire créerait de l’émulation et doperait l’audience. »