Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
NOS LECTEURS DANS LA CAMPAGNE
Dans « le petit Saint-Tropez » du Centre-Var comme il aime à appeler Cotignac, Gabriel Sanchez, pourtant de nature optimiste, ne cache pas sa peur de voir émerger un président populiste
À Cotignac, la peur des extrêmes s’invite au coeur des préoccupations
A une poignée de jours du premier tour de l’élection présidentielle, nous plaçons les électeurs au coeur de la campagne. Chaque jour, un lecteur nous sert de guide dans son environnement (quartier, immeuble, association, club, entreprise, commerce) à la rencontre de ceux qui en sont acteurs. Ils commentent la campagne, l’attitude des candidats, évoquent leurs convictions, leurs doutes, leurs attentes. Leurs coups de gueule aussi. Aujourd’hui, tour d’opinions à Cotignac, à l’hôtel-restaurant du Cours, tenu par Gabriel Sanchez depuis ans.
La grande incertitude qui règne encore à une semaine du premier tour de l’élection présidentielle, c’est un peu l’histoire d’une double déception. Que ce soit Nicolas Sarkozy ou François Hollande, les deux derniers présidents de la République ont fait beaucoup de déçus. Gabriel Sanchez, 63 ans, est de ceux-là. «En 2007, j’ai voté pour Nicolas Sarkozy. Déçu par son quinquennat, j’ai préféré m’abstenir en 2012, considérant que François Hollande, certes plutôt sympathique, n’était pas l’homme de la situation », confie ce restaurateur installé sur le cours Gambetta, en plein centre de Cotignac, depuis 23 ans. Et cette incertitude
commence à inquiéter sérieusement Gabriel. « Je rentre à l’instant de Toulon où je fais régulièrement les courses pour le restaurant. J’écoutais deux vendeurs de chez Métro discuter de politique. À une semaine du scrutin, aucun ne sait encore pour qui voter », raconte le commerçant. Lui-même longtemps indécis, Gabriel s’est finalement décidé, il y a une semaine à peine. « Ce sera Fillon ou Macron », lâche-t-il. On a connu choix plus tranché… Devant notre étonnement, Gabriel Sanchez précise sa position. « Je suis commerçant, je préfère ne pas en dire plus. Mais
j’irai voter avant tout pour faire barrage aux extrêmes.
D’où qu’ils soient. » Les extrêmes, Gabriel Sanchez n’aime pas beaucoup ça. Son histoire personnelle n’y est pas étrangère. Petitfils et fils d’Espagnols, sa famille a connu la dictature de Franco. Quant à l’extrême gauche, elle ne trouve pas plus grâce à ses yeux. Alors que
Jean-Luc Mélenchon s’est dit récemment favorable à un rapprochement des territoires d’outre-mer français avec l’Alliance Bolivarienne, Gabriel Sanchez est plus
que perplexe. « De par mes origines, j’ai la chance de parler parfaitement espagnol. Je reviens d’un voyage à Cuba. J’ai pu échanger avec ses habitants et appréhender la réalité de leur quotidien… » De nature plutôt optimiste, un sourire toujours accroché à sa petite moustache grise, Gabriel Sanchez est donc inquiet. Et les sondages n’arrangent rien à l’affaire. « Je peux comprendre le mécontentement des gens, le vote sanction, mais avoir à choisir entre deux candidats de l’extrême serait une catastrophe ». À l’entame de la dernière ligne droite, le sexagénaire veut croire néanmoins que « le bon sens finira par l’emporter
». Attentif aux conversations de ses clients, il a l’impression de déceler une prise de conscience, un revirement encourageant ces
derniers temps. « En novembre-décembre dernier, les gens n’avaient que Marine Le Pen à la bouche. Mais à l’approche du 1er tour, alors que les sondages continuent de la donner en tête, je crois qu’ils ont pris conscience du danger, qu’ils ont peur de basculer dans l’inconnu si elle venait à être élue». Un retour à la normale en quelque sorte pour ce petit village privilégié de la Provence Verte, ouvert sur l’Europe, sur le monde. Fatigué par cette campagne parfois nauséabonde, Gabriel Sanchez a hâte que l’élection présidentielle se termine. Même s’il sait que « le plus dur commencera peut-être avec les législatives ». Et de redouter l’avènement d’un président « sans grosse majorité. »
J’espère que le bon sens finira par l’emporter ”