Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Maurice Andreoli, consul honoraire d’un prince slave

Stefan Cernetic, de la « Maison impériale et royale du Monténégro et Macédoine », a confié à ce fonctionna­ire à la mairie de Toulon, une prestigieu­se mission. Récit

- MA. D. mdalaine@nicematin.fr

Chemin des Jonquilles, au sud du cimetière de La Seyne. Seul un discret écusson sur la boîte aux lettres de Maurice Andreoli trahit sa récente affiliatio­n à la « Maison impériale et royale du Monténégro et Macédoine. » Pas plus. Et si quelques nains majestueux trônent bien dans le jardin, nulle marque prétendume­nt royale ne vient anoblir l’horizon. Ni aucun drapeau d’ailleurs. Et pour cause : « Si je le mets, je crois que ma femme demande le divorce. » Il est comme ça, Maurice. Pas du genre à vouloir se faire remarquer. Et ce n’est pas son nouveau titre de consul honoraire du prince Stefan Cernetic qui risque d’y changer quoi que ce soit. Il faut dire que cette nomination, notre Provençal de 54 ans ne sait encore pas trop quoi en faire, tant elle lui est tombée dessus comme d’autres découvrent, en fouillant au grenier, un objet insolite, mais sans grande utilité.

Marquis d’Ombrie, comte de Lombardie

Lui, c’est dans son passé qu’il s’est mis à gratter minutieuse­ment l’été dernier. Une lubie née du souvenir de ses parents, travailleu­rs courageux eux-mêmes, enfants de salariés du chantier naval et de l’arsenal, pestant régulièrem­ent que, si nobles fussent-ils, ça ne suffisait pas à faire bouillir la marmite. « Noble » : le mot n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Et Maurice Andreoli de tirer sur le fil de cette histoire de lignée aristocrat­ique jusqu’à se dénicher, effectivem­ent, sur des sites web spécialisé­s, des liens de parenté avec la « haute ». Les « titres et blasons officiels demandés auprès du Vatican » sont arrivés un beau matin par La Poste. Désormais, notre fonctionna­ire à la mairie de Toulon pouvait aussi se faire appeler marquis d’Ombrie et comte de Lombardie. Rien que ça ! Au début, il trouvait cela joli. « Amusant ». Mais très vite, il fut rattrapé par le sentencieu­x de la chose. Sur les réseaux sociaux dédiés aux personnes de sang bleu, il se lia d’amitié avec un mystérieux prince slave. Alors tout bascula. « Son altesse sérénissim­e » Stefan Cernetic lui fit une étrange propositio­n mais difficile à refuser : devenir son consul honoraire. Et qu’importe que Maurice Andreoli n’ait jamais mis le quart d’un début d’orteil au Monténégro. Pas plus en Macédoine, en Serbie ou en Albanie d’ailleurs, les autres régions sur lesquels les prestigieu­x ancêtres du prince auraient régné il y a de cela six siècles et des brouettes. Qu’importe, puisque sur le papier, la mission purement protocolai­re – « totalement bénévole »– semblait dans les cordes de ce « royaliste de coeur » qui ne veut « surtout pas faire de politique ». Soit : incarner le prince en France pour quelques manifestat­ions caritative­s et éventuelle­ment deux ou trois foires aux vins si jamais le palais lui en dit. « Je ne représente pas le

pays, mais son altesse impériale, précise-t-il. Le prince est très peu connu en France ; charge à moi de l’aider à l’être davantage. J’aimerais bien commencer par une visite d’enfants hospitalis­és, par exemple. » L’affaire prit encore une tout autre tournure en début d’année quand Maurice et sa femme furent invités par Stefan Sernetic au Vatican pour y rencontrer le pape en audience privée. « Je me suis dit “Oh p… Le rêve”, confie Maurice Andreoli. Même s’il ne faut pas croire, hein : privé, c’est un grand mot. On était beaucoup dans la salle. Mais c’était un moment extrêmemen­t fort. » La taille impression­nante de l’appartemen­t monégasque de Stefan Cernetic, siège officiel de cette maison royale sans château dont il aura aussi la chance de fouler le marbre, achèvera de convaincre le nouveau comte de Lombardie du bien fondé de sa noble mission. Notre Seynois décide finalement d’informer les autorités locales qu’une adresse consulaire s’est ouverte à La Seyne. Lesquels – du maire Marc Vuillemot au président du conseil départemen­tal Marc Giraud – ne manquent pas de féliciter l’intéressé par courrier. Il reçoit aussi tout un tas de papiers officiels, dont un passeport diplomatiq­ue, un macaron pour sa voiture et un pin’s aux couleurs de l’Europe. Mais le plus spectacula­ire reste sans doute la veste immaculée dont l’a affublé le prince, façon Tintin et le sceptre d’Ottokar, et que Maurice Andreoli ne trouve guère l’occasion de porter sur les bords de la rade. Ce sera peut-être le cas, qui sait, du côté de l’Europe de l’Est. « J’attends une invitation officielle pour visiter son pays. J’ai commencé à me renseigner. Pour l’instant, c’est surtout lui qui souhaite venir dormir à la maison… » Quant à ce que dit son entourage de ce drôle de conte de fées, Maurice –« quelqu’un de simple, honnête et qui aime bien rigoler »–apris le parti d’en sourire. « Au début, mes collègues me faisaient le baisemain pour me saluer. Mais bon, je ne le prends pas mal : dans mon métier, on m’a toujours dit que j’étais diplomate… » Finalement, c’était peut-être sa destinée.

Je ne représente pas le pays, mais son altesse ” Charge à moi de l’aider à être connu ”

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Maurice Andreoli, avec le costume de la maison impériale des Cernetic.

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