Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Turquie : Erdogan rejette les critiques sur le référendum
Le président turc, qui a obtenu de justesse un « oui » au renforcement de ses pouvoirs dimanche, somme les observateurs européens de « rester à leur place »
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a tancé, hier, les observateurs étrangers qui ont mis en doute l’équité du référendum sur ses pouvoirs, en célébrant sa victoire étriquée avec des milliers de partisans dans son palais à Ankara.En début de soirée, le Conseil national de sécurité turc, dirigé par Erdogan, s’est prononcé pour une nouvelle prolongation de trois mois de l’état d’urgence en vigueur depuis le putsch avorté de juillet. Au lendemain du référendum remporté d’une courte tête par M. Erdogan et contesté par l’opposition, une mission commune d’observateurs de l’OSCE et du Conseil de l’Europe a estimé que la campagne s’était déroulée dans des conditions inéquitables et que le scrutin n’avait pas été « à la hauteur des critères » européens. « Ils préparent un rapport à leur goût. [...] Déjà, restez à votre place ! », a lancé M. Erdogan dans un discours au palais devant des milliers de sympathisants. « Nous ne voyons et nous ne tenons pas compte de tout rapport que vous pourriez préparer », a-t-il ajouté. Le chef de la diplomatie turque a, pour sa part, jugé les conclusions des observateurs « biaisées » et « inacceptables ».
Un référendum sur l’entrée dans l’Europe
M. Erdogan a aussi adopté un ton ferme à l’égard de l’Union européenne (UE), évoquant l’organisation d’un référendum pour décider de poursuivre ou non les négociations d’adhésion de la Turquie au groupement. « Ils nous font attendre à la porte de l’Union européenne depuis 54 ans, n’est-ce pas ? [...] Nous pourrons aller audevant de notre peuple, et nous obéirons à sa décision », a-t-il lancé, sans avancer de date pour une éventuelle initiative de ce type. Les relations entre Ankara et l’UE se sont fortement tendues ces derniers mois, le président turc accusant certains dirigeants européens d’avoir recours à des « pratiques nazies» après l’annulation de meetings pro-Erdogan, notamment en Allemagne et aux PaysBas.
Pas aussi libre...
« L’Union européenne menace de geler les négociations. A vrai dire, ce n’est pas très important pour nous. Qu’ils nous communiquent leur décision ! », a ajouté M. Erdogan. Il a aussi répété qu’il approuverait le rétablissement de la peine de mort en cas de vote en ce sens au parlement, faute de quoi un référendum sur la question serait organisé [lire ci-contre]. Avec sa victoire au référendum, M. Erdogan, qui a échappé à une tentative de putsch le 15 juillet 2016, pourrait en théorie rester à la tête de l’Etat jusqu’en 2029. Il a occupé le poste de chef du gouvernement entre 2003 et 2014, avant d’être élu président. Murat Yetkin, rédacteur en chef du quotidien anglophone Hurriyet Daily News souligne pour sa part qu’« Erdogan est un politicien suffisamment expérimenté pour savoir que cette victoire étriquée ne l’autorisera pas à agir aussi librement qu’il le pourrait avec une marge plus importante ».