Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
NOS LECTEURS DANS LA CAMPAGNE
Dans le Haut-Var, les éleveurs et agriculteurs estiment que leurs préoccupations ne sont pas la tasse de thé des onze candidats à la présidentielle. Résultat : aucun ne trouve grâce à leurs yeux
À La Bastide, « ans de cotisation, € de retraite, vous trouvez ça normal?»
Àquelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, nous plaçons les électeurs au coeur de la campagne. Au quotidien, un lecteur nous sert de guide dans son environnement (quartier, immeuble, association, club, entreprise, commerce) à la rencontre de ceux qui en sont acteurs. Ils commentent la campagne présidentielle, l’attitude des candidats, évoquent leurs convictions, leurs doutes, leurs attentes. Leurs coups de gueule aussi. Aujourd’hui, tour d’opinions à La Bastide, dans le Haut-Var, avec les éleveurs d’ovins.
À La Bastide, le loup est au coeur des discussions des éleveurs qui se retrouvent régulièrement au bar-restaurant du Lavoir. Gérard Cauvin, exploitant à Fox-Amphoux, a perdu 107 bêtes entre le 1er octobre et le 1er janvier dernier. Les attaques du prédateur se multiplient et « aucun candidat n’en parle. On a l’impression que les préoccupations agricoles ne les intéressent pas trop », regrette Jean-Guy Rebuffel, agriculteur et éleveur à La Roque-Esclapon. « Le monde agricole n’intéresse personne parce qu’on ne représente pas grandchose parmi la population, souligne Andréa Marin, installée à Bargème. Les politiques essayent de plaire à ceux qui sont les plus nombreux. Ils font semblant de s’intéresser à nous. Ils parlent du bien-être animal. Mais ce sont les réglementations qui ont conduit à ce qu’on aille tous dans les abattoirs. Avant, quand on tuait à la ferme, il y avait beaucoup moins de stress, de souffrance pour les bêtes. » Des hommes politiques déconnectés de la réalité, c’est le sentiment largement partagé. « Les trois quarts sont là pour faire carrière et se préparer une retraite conforta ble. Il faut stopper les privilèges des parlementaires, des ministres, de ceux qui cumulent les mandats. Ils ne sont pas dans la vraie vie. Je les mettrais tous au Smic ! », dit Andréa. Mère de trois enfants et productrice de fromages, yaourts et glaces au lait de brebis, elle travaille en circuit court. « Ça nous sauve. On travaille beaucoup, on gagne peu mais on a une certaine qualité de vie à la campagne. » Martine Baron de Châteauvieux n’a pas pu venir mais résume, via un SMS, ce qui fait tenir les éleveurs : « On bosse toute notre vie pour une retraite de misère, mais qu’estce qu’on l’aime notre métier. » A bientôt 63 ans, Gérard Cauvin sera bientôt à la retraite justement. «Çafait 42 ans que je cotise, je vais avoir 630 par mois. Vous trouvez cela normal ? ». Autre inquiétude, la survie de son exploitation (brebis viande). « Je ne sais pas si mon fils reprendra, mais je ne le pousse pas. C’est trop difficile. » Comme beaucoup de Français, ils n’ont pas choisi leur candidat. « Depuis que je vote à la présidentielle, c’est toujours contre quelqu’un au second tour. Et j’ai 38 ans », regrette la benjamine du groupe, à la sensibilité de gauche. Macron aurait pu la tenter « parce qu’il est nouveau et jeune mais on sent qu’il veut favoriser les multinationales. Sur la partie économique, ils n’ont pas la main. L’économie est mondiale, les multinationales ont un pouvoir énorme. Celles de l’agroalimentaire sont à l’origine de scandales sanitaires, écologiques, de santé publique. En Europe, il y a trop de concurrence entre les pays, trop de différences entre les réglementations. Le problème, c’est que c’est compliqué d’en sortir. » Plutôt à droite, Jean-Guy ne sait pas non plus pour qui il votera. « C’est compliqué, les lignes ne sont pas aussi claires qu’avant. Et après, une fois le président élu, on risque d’avoir une cohabitation. » Comme eux, Gérard Cauvin hésite : « Ils m’ont tous dégoûté. J’irai voter parce que je suis un ancien élu, conseiller municipal pendant 32 ans à Fox-Amphoux, dont un mandat d’adjoint. Mais pour qui ? Je n’en sais rien. »
V.G.
Depuis que je vote, c’est toujours contre quelqu’un… »