Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Le risque du torticolis politique

- Par DENIS JEAMBAR

Pris dans l’incertitud­e inédite des sondages à quatre jours du premier tour de la présidenti­elle, François Fillon et Emmanuel Macron sont exposés au même mal : le torticolis politique. Ce sont, en effet, les deux seuls candidats contraints de chasser sur les deux flancs de leur électorat et, donc, menacés de se bloquer en se tournant sans cesse d’un côté et de l’autre. Les deux extrêmes, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, n’ont pas cette contrainte : leur discours étant univoque, la radicalité est leur seul registre. Ils ne se privent pas d’ailleurs d’en forcer le trait ces derniers jours. Fillon et Macron sont, eux, pris en étau et obligés de « ratisser » le plus largement possible. François Fillon, dont le rebond dans les sondages est encore trop faible pour être sûr de se qualifier, ne peut négliger la droite de la droite. Certes, il l’a déjà beaucoup labourée mais, pour grappiller encore quelques voix de droite extrême ou d’extrême droite, il tend ouvertemen­t la main au mouvement Sens commun, émanation de La Manif pour tous. Il n’exclut plus de lui ouvrir les portes du gouverneme­nt s’il l’emporte le  mai. Ce geste l’oblige, cependant, à se retourner dans le même temps vers le centre pour lui offrir de bonnes paroles : à partir trop à droite, il peut faire fuir des juppéistes, des centristes de l’UDI et Les Républicai­ns les plus ouverts. C’est pour cela qu’il a jugé nécessaire de préciser, hier, qu’il voulait rassembler de Sens commun à Nathalie Kosciusco-Morizet en passant par François Baroin, affirmant que « tous ont vocation à faire partie de sa majorité ». Ce grand écart est, en général, un exercice de second tour. Mais Fillon n’a pas d’autre choix que de le pratiquer dès maintenant car sa base politique est étroite :  % de l’électorat qu’il lui faut impérative­ment mobiliser pour franchir la haie du premier tour. Évidemment, dans cette manoeuvre, il peut faire fuir les uns en courant après les autres, et vice-versa, voire perdre sur les deux tableaux. Emmanuel Macron est placé sous la même menace. Son positionne­ment central, sa volonté de dépasser le vieux clivage droite-gauche, l’amènent maintenant à en appeler avec insistance aux électeurs de droite et de gauche. Mais lui aussi peut tomber dans ce piège du rassemblem­ent à marche forcée : sa droite peut le trouver trop à gauche et sa gauche trop à droite. Cette obligation du double message le conduit donc à gommer les aspérités de son programme pour ne heurter personne. D’où le sentiment de flou qui éclaire, peut-être, son tassement dans les sondages depuis une semaine. Reste que les deux hommes n’ont pas d’autre option. Pour l’emporter, la situation actuelle leur impose de se mettre en danger et de tenter un quitte ou double.

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