Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le procès fleuve de la cellule Cannes-Torcy s’ouvre demain
53 jours d’audience, 20 accusés, des dizaines d’avocats et de médias... La cour d’assises spéciale de Paris juge, à partir de demain, l’ensemble d’une cellule djihadiste. Une première en France
Depuis, il y a eu Charlie, le Bataclan et le 14Juillet. Depuis, l’État islamique (EI) a prospéré et les attentats se sont multipliés à travers le monde. Mais ce djihadisme qui défraie l’actualité sera bien au coeur du procès-fleuve qui s’ouvre demain à Paris. D’ici au 7 juillet, la cour d’assises spécialement constituée devra juger vingt accusés issus de la cellule Cannes-Torcy. Ce groupe que François Molins, l’emblématique procureur de Paris, qualifiait en 2012 de « plus dangereux mis au jour en France depuis 1996». Cette cellule terroriste, constituée entre Seine-et-Marne et Côte d’Azur, n’a fait aucun mort – hormis son leader Jérémie-Louis Sidney, tué lors d’un échange de tirs avec le GIPN à Strasbourg. Mais elle incarne «les prémices» des meurtres de masse qui ont ensanglanté Paris en 2015 et Nice en 2016, selon la partie civile. «C’est le premier procès devant une cour d’assises d’une cellule terroriste démantelée, observe Me David-Olivier Kaminski, avocat de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Dans ce dossier, on a atteint un point de radicalisation et d’extrémisme rare… »
Attentat et projets
Cette affaire tentaculaire débute le 19 septembre 2012, quand deux individus lancent une grenade dans une épicerie casher de Sarcelles. Par miracle, l’explosion ne fait qu’un blessé léger parmi les clients. Dès le 6 octobre, un vaste coup de filet conduit à l’arrestation de douze suspects, dont quatre issus du bassin cannois. De nombreuses armes et composants d’explosifs sont saisis à Torcy dans un box au nom de Jérémy Bailly, proche de Jérémie-Louis Sidney, tué lors de l’assaut. Plusieurs vagues d’interpellation s’ensuivront jusqu’en 2014. Entre-temps, Nice-Matin arévélé fin 2013 qu’un projet d’attentat visant des militaires varois avait été déjoué, avec l’arrestation de Cannois de retour de Syrie. C’est l’un des autres volets appelés à être jugés lors des deux mois et demi à venir. La cour présidée par Philippe Roux – entouré de quatre assesseurs – passera au crible cette filière en lien avec la Syrie, où nombre d’accusés y ont combattu ou se sont formés au maniement des armes. Elle s’intéressera aussi à ces explosifs artisanaux découverts en février 2014, à Mandelieu-La Napoule, dans la cave d’Ibrahim Boudina. Dix-sept accusés, dont dix détenus, sont appelés à comparaître à ce procès hors normes (les trois autres sont visés par un mandat d’arrêt). La plupart encourt 30 ans de réclusion criminelle, certains la perpétuité. Quinze parties civiles sont attendues, ainsi que des dizaines d’avocats et de journalistes. Fait rarissime, deux avocats généraux portent la parole du ministère public : Sylvie Kachaner et Philippe Courroye. Face à «des gens très entraînés, très sérieux, bien armés», Me David Père, conseil de l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT), ne s’attend guère à ce que «la parole se libère». Pour autant,
l’AFVT compte « exprimer la voix des victimes, mais aussi comprendre les mécanismes de radicalisation, d’embrigadement et de passage à l’acte de ces cellules djihadistes, explique Jérémy Bridier, responsable juridique de l’association. Pour nous, il s’agit d’un procès emblématique.»