Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Clément Baur, itinéraire d’une dérive djihadiste
C’est à Nice, au contact de la communauté tchétchène, que s’est converti l’un des deux terroristes présumés, interpellé mardi à Marseille. Il y possède des attaches familiales
Je m’appelle Ismaïl Abdoulaef, je suis lituanien.» Nous sommes le 16 janvier 2015 dans le TGV Bruxelles-Nice. Il est 12 h 45. Le jeune homme de 21 ans, qui répond ainsi aux policiers, ment. Il est français, s’appelle en fait Clément Baur, né à Ermont, dans le Vald’Oise, le 16 juillet 1993. Il est l’un des deux terroristes présumés interpellés mardi à Marseille, dans le cadre d’un projet d’attentat « imminent » visant la présidentielle (lire notre édition de mercredi). Aux policiers qui le contrôlent dans le TGV, ce jour de 2015, il explique alors revenir de Verviers (Belgique). Coïncidence troublante : un réseau djihadiste y a été démantelé la veille au soir avec fracas (deux morts). Mais son casier ne comportait alors aucune mention. Fuyait-il Verviers, grouillant de policiers d’élite ? Le mystère reste entier.
Un homme aux mille visages
Selon nos confrères de La Voix du Nord, qui ont assisté à son procès pour usage de faux papiers, trois jours après son interpellation dans le train, c’est sous l’identité d’Ismaïl Djabrailov, nom à consonance tchétchène, qu’il se présente face aux juges. « Il brosse succinctement une histoire personnelle compliquée où il aurait fui le Daghestan après l’assassinat de son frère », indiquent nos confrères. Il dit avoir résidé cinq ans en Belgique. Il affirme vivre essentiellement à Marseille depuis un mariage, trois mois auparavant, avec une jeune femme du XVe arrondissement. Clément Baur, alias « Ismaïl Djabrailov », avait finalement été condamné à quatre mois de prison et incarcéré sous sa Clément Baur, un parcours entre le Nord, la Belgique, Nice et Marseille. fausse identité à la maison d’arrêt de Sequedin (Nord). C’est là qu’il fera la connaissance de Mahiedine Merabet, interpellé avec lui mardi à Marseille. Ce billet de TGV Bruxelles-Nice de 2015 n’est pas anodin. Selon nos informations, un membre de sa famille réside toujours dans la capitale azuréenne. D’après le procureur de Paris, François Molins, c’est d’ailleurs à Nice que Clément Baur s’est converti à l’islam quelques années plus tôt, en 2007, « au contact de membres de la communauté tchétchène » (lire ci contre). À Nice toujours, il pose fièrement, casquette à la main, barbu, appuyé sur la rambarde de la tour Bellanda sur la colline du Château. Pour une photo que sa famille utilisera pour un avis de recherche sur les réseaux sociaux, peu de temps avant son interpellation dans le TGV. La Tchétchénie semble le fasciner. Au point qu’il adopte la coupe de cheveux plaquée sur le front du président Ramzan Kadyrov. Trouble parcours pour cet homme aux mille visages qui a donné, avec son complice, des sueurs froides aux services antiterroristes. Quels étaient leurs plans ? Où s’étaient-ils procuré cet impressionnant arsenal constitué d’armes et d’explosifs? Auprès de qui se sont-ils formés ? Agissaient-ils seuls ? Alors que Clément Baur et Mahiedine Merabet sont toujours en garde à vue, le terrorisme a fait irruption dans les derniers jours de la présidentielle.