Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Grasse :  et  ans pour les fausses victimes de l’attentat de Nice

- SANDIE NAVARRA snavarra@nicematin.fr

Six ans de prison pour Sasa Damjanovic, quatre ans pour sa compagne Vera Vasic. C’est tête basse et mine contrite que les amants terribles – déjà condamnés à 6 et 3 ans de prison le 9 décembre dernier pour s’être fait passer pour des victimes des attentats de Paris – comparaiss­aient à nouveau, hier, devant le tribunal correction­nel de Grasse, cette fois-ci pour l’attentat de Nice. Tous deux étaient jugés pour « tentative d’escroqueri­e ». Après avoir perçu 30 000 chacun suite à leurs fausses déclaratio­ns, ils avaient tenté d’obtenir la même somme auprès du fonds d’indemnisat­ion des victimes au lendemain du tragique 14 juillet.

« J’ai honte »

« Ce soir-là, alors que vous êtes tranquille­ment chez vous devant la télé à Cannes, vous apprenez qu’un attentat très grave a été commis. Vous et trois autres membres de votre famille sautez dans votre voiture, et vous précipitez à Nice, à l’hôpital Pasteur », retrace le président du tribunal Marc Joando. Examiné par des médecins, le couple affirme avoir été piétiné par la foule sur la Promenade des Anglais. « Pour Paris, vous aviez indiqué souffrir d’un traumatism­e aux testicules, et votre compagne de problèmes gastriques et de constipati­on », rappellet-il encore. « J’ai honte », souffle Sasa Damjanovic. Comble du cynisme, le trentenair­e avait appelé le fonds d’indemnisat­ion des victimes pour se plaindre du délai du virement attendu. « Vous étiez en grande forme », ironise Marc Joando. « Je sais que c’est horrible, ce que j’ai fait. Je ne me rendais pas compte ». «Je ne voyais pas le mal derrière tout ça, je voulais juste rembourser mes dettes. Ce sont nos problèmes qui nous ont poussés à faire ça », justifie sa compagne en pleurant. Le couple prétend en effet avoir été harcelé par des voyous qui menaçaient également leurs deux enfants pour une dette impayée de… 45 000

Déclaratio­ns contradict­oires

L’argent, intégralem­ent dépensé, « n’a pourtant pas été utilisé pour régler 14 000 de loyers impayés », recadre la procureure Valérie Tallone. «Vous n’avez même pas été suffisamme­nt intelligen­ts pour coordonner vos déclaratio­ns. Voilà ce qui a lancé l’enquête », souligne la représenta­nte du ministère public. Les déclaratio­ns contradict­oires du couple et de trois membres de leur famille avaient en effet éveillé les soupçons des enquêteurs. Leurs complices avaient d’ailleurs retiré leurs demandes d’indemnisat­ions suite à la première condamnati­on du couple. Vera Vasic avait pour sa part maintenu s’être trouvée à Nice lors de sa comparutio­n devant le tribunal en décembre dernier. « Quel crédit accorder à vos déclaratio­ns aujourd’hui, après un tel mensonge ? », s’interroge la procureure. Me Roland Rodriguez, avocat du fonds de garantie, pointe la cupidité des amants… et leur manque d’empathie. « Vous êtes allés encombrer les urgences quand de vraies victimes avaient besoin d’aide. » Un comporteme­nt qui « ne peut être excusé », pour la procureure, qui requérait 6 et 5 ans de prison à l’encontre des Cannois : « Comment une telle idée peut-elle émerger de quelqu’un ? » Me Jean-Pierre Andreani, avocat de Sasa Damjanovic et Vera Vasic, a rappelé dans sa plaidoirie la détresse du couple. Et dépeint « un décor de désespoir, de malheur et de stress maximum dû à un enfant malade, des avis d’expulsion à répétition et des menaces de mort. » La demande d’expertise psychiatri­que de Sasa Damjanovic rejetée en début d’audience, il a signalé que son client avait tenté de mettre fin à ses jours à plusieurs reprises, et sombré depuis sa première condamnati­on dans la dépression. « Tous deux ont été la cible d’un lynchage médiatique, présentés comme des charognard­s aux goûts de luxe. Lui a fait l’objet de violences à la maison d’arrêt.» En état de récidive légale, Sasa Damjanovic encourait jusqu’à 14 ans d’emprisonne­ment. Le tribunal l’a finalement condamné à 6 ans, et 4 pour sa compagne. Tous deux seront également interdits de séjour dans le départemen­t durant 5 ans à l’issue de leurs peines.

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