Ana Pouvreau : «Quitter l’Otan n’est pas une bonne idée»

En plein retour à la « guerre froide », alors que les sanctions de l’Union européenne, imposées en raison à la fois de l’immixtion de la Russie dans la crise ukrainienne et de son annexion de la Crimée, sont toujours en vigueur, Ana Pouvreau, consultante en géopolitique, s’étonne que les questions de défense soient si peu abordées par les candidats à l’élection présidentielle. Spécialiste entre autres du monde russe, Ana Pouvreau connaît bien le mode de fonctionnement de Vladimir Poutine. « Il est au pouvoir depuis 17 ans. On a eu le temps de l’observer. C’est un homme qui ne fonde sa politique que sur le rapport de force », déplore-t-elle. Dans ce contexte particulier, elle s’étonne – ou plutôt s’inquiète – des positions de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sur l’Otan. Ces deux candidats qui, selon les sondages, pourraient très bien se retrouver au second tour de la présidentielle, ne cachent pas leurs intentions de quitter totalement ou partiellement l’Alliance atlantique, sitôt élus.

 ans de paix grâce à l’Otan

Lors de son récent meeting à Marseille, le 9 avril, le leader de La France insoumise n’a ainsi eu de cesse de fustiger l’Otan, «fauteur de guerre et de désordre de par le monde ». Lui Président, il a prévenu : « Il est hors de question d’accompagner je ne sais quel conflit aux frontières de l’Est de l’Europe », comme pourrait l’y contraindre l’article 5 de l’Alliance atlantique. Pour Ana Pouvreau, qui rappelle que c’est grâce à l’Otan si les Français ont pu vivre en paix depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, quitter l’Alliance est «une folie alors que la Russie de Poutine veut retrouver son influence sur ce qu’elle appelle “l’étranger proche” ,à savoir les anciennes républiques soviétiques qu’elle entend faire revenir dans le giron de la mère patrie ». La position de Marine Le Pen ne trouve guère plus de grâce à ses yeux. « En quittant la structure militaire intégrée de l’Otan, ce que propose la candidate du Front national, la France, qui dispose aujourd’hui de centaines d’officiers à des postes de très haut niveau, y perdrait de son influence stratégique », avertit Ana Pouvreau. Cette dernière va plus loin dans ses critiques envers Marine Le Pen. Elle se dit affligée que la candidate d’extrême droite, qui souhaite que la France reste dans la structure civile de l’Alliance atlantique, « de vouloir ainsi bloquer tout nouvel élargissement de l’Otan vers l’Est, ou toute initiative qui ferait de l’ombre à la Russie de Poutine ». Et de s’étonner que « deux candidats à la présidence de la République française défendent les intérêts d’une autre puissance ».

(DR) Ana Pouvreau, consultante en géopolitique et spécialiste du monde russe, connaît bien le mode de fonctionnement de Vladimir Poutine.