Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Boulanger à Ollioules

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mes mains. Je commençais à être blasé du poste et des tâches administra­tives». Puis, il y a aussi « le fait d’être régi par des actionnair­es. Seule la rentabilit­é financière comptait. Au final, élude-t-il, l’air un peu grave, tout cela m’a joué des tours dans ma vie personnell­e… »

Le regard des autres

Alors, plutôt que d’attendre le burn-out qui le guette sournoisem­ent, Jean-Marc prend les devants. Après vingt ans de boîte et quelques mois de tergiversa­tion, il est décidé à ne plus manger de ce pain-là. Il rassemble ses esprits, se confie à son entourage et enclenche la vitesse supérieure. En commençant par passer un week-end en compagnie d’un pote boulanger, « juste pour voir le métier. » « Ça n’avait pas l’air facile », reconnaît-il. Mais le déclic est là : « C’est ça que je veux faire de ma vie», se convainc-t-il. Direction Aurillac. Jean-Marc y emmène femme et enfants pour suivre une formation diplômante en passant son CAP boulangeri­e-pâtisserie. Un an plus tard, le voilà prêt à mener sa nouvelle vie. Mais tout n’est pas si simple. C’est qu’il faut affronter le regard des autres, souvent circonspec­t et pas toujours très compatissa­nt. «Les gens ne comprennen­t pas forcément qu’on se remette en cause pour quelque chose qui n’est pas gagné. Rien ne vous dit que ça va vous plaire, c’est vrai, mais il faut bien faire des choix», se défend Jean-Marc. Le doute plane un peu, toujours. Il avoue parfois « ser rer les dents», mais comme il dit aussi : «On n’a rien sans rien». La preuve, c’est qu’il a fallu discuter avec les banques. « Et dans ce domaine, ce ne sont pas vraiment des enfants de coeur ». Jean-Marc Mortier a acheté sa boulangeri­e à Ollioules, au mois de décembre dernier. L’occasion pour lui et sa famille de découvrir et apprendre à aimer une nouvelle région qu’ils ne connaissai­ent alors que pour y avoir séjourné pendant de simples vacances. Dans le sous-sol de sa boulangeri­e, Jean-Marc a retrouvé un nouveau sens à sa vie. Mais la quête du bonheur est un boulot à temps plein. Et ça, il en est conscient. L’ex-directeur a beau produire plus de 300 baguettes par jour dans une cadence infernale, cela ne l’empêche pas pour autant d’avoir « l’impression de continuer à progresser tous les jours ».

Fini le film devant la TV

Des recettes de pains spéciaux sont accrochées ici et là, contre le four, sur des pans de mur ou dans un recoin de la pièce. L’écriture est devenue quasiment illisible. Au cours de son interminab­le rush matinal, Jean-Marc n’y prête plus attention. Mais, sait-on jamais… «Je n’ai pas toujours les recettes et le chrono dans la tête», admet l’apprenti boulanger, tout en surveillan­t la cuisson d’un énorme pain de campagne qu’on lui a commandé la veille. Il est 5 h 40. L’heure vers laquelle arrive Christine, sa seule et unique employée, qui tient la boutique. « On ne se rend pas compte comme ça, mais c’est très vivant comme métier, résume Jean-Marc, en s’octroyant sa première pause-café après plus de trois heures de travail. C’est sûr que c’est un sacré contraste avec mon métier d’avant, lorsque j’étais le cul sur ma chaise devant mon ordi. Et puis ça a l’air tout bête de faire du pain, mais on apprend tous les jours. Il faut gérer plein de choses en parallèle : la cuisson, la gestion des fournisseu­rs qui défilent, la comptabili­té, la réglementa­tion… Tout ça m’apporte énormément. » Mais puisqu’on n’a pas toujours ce que l’on veut dans la vie, l’artisan ollioulais a évidemment dû faire une croix sur quelques avantages que lui offrait sa vie d’avant. Le salaire d’abord. Il dit toucher «trois ou quatre fois moins» que lorsqu’il était chef d’entreprise. Les «beaux voyages » ensuite. « C’est sûr qu’on a moins le temps et moins les moyens pour partir en vacances ». voyais pas de la journée. Là, précise-t-il, je peux aller les chercher à la sortie de l’école et j’ai l’impression d’avoir une vraie vie de famille. »

Un moral d’acier

Quatre mois après avoir ouvert sa boulangeri­e, Jean-Marc ne regrette rien de rien. « Je suis heureux de faire ce que je fais », conclut-il benoîtemen­t, comme si ce changement de vie n’était qu’une simple révélation par laquelle il devait passer un jour ou l’autre.

«De toute façon, je ne pourrais jamais jouer au golf toute la journée», glisse au passage cet ancien passionné de trail, habitué à courir 70 à 80 bornes par jour. De là, « sans doute » s’est-il forgé ce «moral d’acier» qui lui a donné « la force de tout plaquer et de tout recommence­r ». « Quand on explique aux gens le choix qu’on a fait pour venir s’installer ici, ils disent souvent “quel courage !”» Mais lorsqu’on est pétri de motivation et de bonne volonté, comme JeanMarc, on se rend compte, finalement, que « tout est possible dans la vie. À condition de s’en donner les moyens ». Voir notre reportage vidéo sur www.varmatin.com (#solutions)

J’avais perdu la petite flamme. Il fallait que je change de vie ” Je ne pourrais jamais jouer au golf toute la journée ”

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