Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

Lundi

Le résultat du référendum en Turquie laisse les commentate­urs perplexes. Erdogan est présenté sinon comme un tyran du moins comme un chef d’État terribleme­nt autoritair­e procédant à la mise au pas de son opposition et des élites modérées par des purges massives. Pour cette consultati­on qui élargit ses pouvoirs, il n’avait pas hésité à s’allier au MHP, parti ultranatio­naliste, accord qui aurait dû lui assurer une confortabl­e victoire. Mes amis, à qui se fier ! Un dictateur qui gagne un référendum-plébiscite par seulement  % des voix a du souci à se faire. Paradoxale­ment, le maigre résultat pourrait être considéré comme une démonstrat­ion démocratiq­ue et après tout, personne ne conteste le Brexit obtenu avec un score équivalent. Mais l’on sait aussi que le bourrage des urnes a été massif et le comptage à  % de oui en provenance de certains villages reculés d’Anatolie ne laisse guère de doute sur la fraude. Sans tripatouil­lages, le non l’eût sans doute emporté. Il existe maintenant en Turquie une classe moyenne qui a soif de progrès et de liberté et l’homme de fer qui règne à Ankara est à la tête d’une nation aux aspiration­s contradict­oires. Les optimistes font valoir que les réformes proposées ne faisaient qu’entériner la pratique du pouvoir de monsieur Erdogan. Le Premier ministre, qui exerçait également la présidence du parti majoritair­e l’AKP, n’était qu’un fantoche et la suppressio­n du poste ne changera rien. Quant aux organisati­ons « indépendan­tes » comme le Conseil constituti­onnel ou l’équivalent de notre Conseil supérieur de la magistratu­re, il y a belle lurette que n’y sont nommés que des féaux du régime. L’extension du pouvoir de nomination ne fait donc qu’entériner des pratiques existantes. Mais le symbole de la glaciation est là et le prochain rétablisse­ment de la peine de mort éloignera définitive­ment la Turquie des idéaux européens alors que nous avons tant besoin de ce pays pour mener la guerre contre l’Etat islamique et gérer la crise migratoire. Tout ce qui s’est passé hier n’est donc pas une bonne nouvelle ni pour l’Europe ni pour la France.

Mardi

Sur mon bureau tombe un énième livre sur une France réputée abandonnée. Les sociologue­s, les géographes, les journalist­es et, maintenant, les candidats s’en donnent à coeur joie sur ces territoire­s prétendume­nt « oubliés » de la république. « Dans quelle France on

vit?» , s’interroge l’une, d’autres auscultent la France « qui gronde », un troisième soutient que les politiques considèren­t  % des Français comme « invisibles ». Entre banlieues en difficulté et zones rurales en désertific­ation, des technocrat­es de gauche ou de droite, sans coeur et sans entrailles, soumis aux diktats des multinatio­nales, seraient donc à l’oeuvre sournoisem­ent pour faire le malheur des Français. Les bras m’en tombent, tellement ce procès est absurde. Que des erreurs aient été commises, que des échecs aient été enregistré­s, que des gaspillage­s aient été répétés, il serait vain de le nier. Mais dans un pays qui représente moins de  % de la population mondiale et concentre  % des dépenses sociales de la planète massivemen­t orientées vers les plus démunis, la question n’est plus de savoir si certains de nos compatriot­es sont « invisibles » mais bien comment les sortir de la trappe de la relégation. Des torrents de fric se sont déversés pour rénover les quartiers : aujourd’hui, les gangs y règnent en maître avec la complicité des population­s dont ils font le malheur. Des crédits massifs ont été déployés dans le monde rural pour doter les moindres villages d’équipement­s, aider les entreprise­s, maintenir les commerces, créer des maisons médicales, entretenir le patrimoine, déployer des manifestat­ions culturelle­s. Au passage, on peut se demander à quoi sert de financer le maintien du dernier commerce si vous sautez dans votre voiture le samedi pour faire vos courses dans une grande surface ? Là encore, ceux qui braillent sont souvent les artisans de leur propre malheur. Certains rétorquent que ce sont les collectivi­tés locales qui sont à l’oeuvre dans ces zones défavorisé­es mais oublient que dans le cadre de la décentrali­sation, l’État leur délègue plus de  milliards de dotations diverses, soit plus de  % des dépenses nettes de l’Etat. Ce dernier lève l’impôt et les élus locaux inaugurent… cela s’appelle être cocu et payer la chambre ! C’est sans doute cela le drame de l’État central aujourd’hui. Tout le monde lui a demandé de se concentrer sur ses fonctions régalienne­s et il a obtempéré. Il s’est privé des douceurs de la proximité qui l’humanisaie­nt, le rendaient visible aux yeux des citoyens et lui permettaie­nt de tenir sa majorité. Comme disait Calimero, c’est vraiment trop injuste.

Jeudi

Décidément, cette campagne ne nous aura rien épargné. La dernière émission qui faisait défiler les candidats pour une prestation de quinze minutes oscillait entre guignolade et ennui. Ennui à l’évidence puisque la configurat­ion d’un premier tour à onze protagonis­tes n’autorisant aucun débat de fond, la chaîne publique avait opté pour une succession d’interviews sans aucun intérêt. Les journalist­es semblaient plus préoccupés d’euxmêmes que de permettre aux candidats de s’exprimer. Quant à la guignolade maintenant inhérente à toute émission où l’on prend les citoyens pour des grenouille­s décérébrée­s qu’il s’agit de divertir plutôt que d’informer, elle était consacrée par la demande faite aux impétrants d’apporter un objet fétiche. On nous prend vraiment pour des truffes et les communican­ts ont dû se creuser la tête pour imaginer le symbole qui valorisera­it leur poulain. Et puis, le drame des Champs-Elysées a sonné la fin de ce médiocre divertisse­ment. Un policier tué, deux autres blessés dont un grièvement ; il a fallu cette abominatio­n pour que l’on comprenne que le futur président de la République n’est pas un amuseur ou un prêcheur mais devra avoir les épaules, l’autorité, le sens de l’État, l’amour de la France chevillés au corps et à l’âme. Les calembreda­ines n’ont que trop duré. Vivement dimanche !

Dimanche

Je sais bien que vous êtes déçus, en colère, frustrés. Je sais que beaucoup d’entre vous pensent que leurs problèmes ne sont pas suffisamme­nt pris en compte. Je sais que le candidat de vos rêves n’a peut-être pas passé le filtre des primaires ou des parrainage­s… Rappelez-vous pourtant que pour avoir le droit de vote, les combattant­s de la liberté sont morts sur les barricades, dans les cachots ou devant les pelotons d’exécution. Voter est une fête, celle de la démocratie et de la république. Si votre colère est trop forte, dites-vous comme Abraham Lincoln qu’un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil.

« Si votre colère est trop forte, dites-vous comme Abraham Lincoln qu’un bulletin de vote est plus fort qu’une balle de fusil. »

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